Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour obéir à Dieu de préférence au roi, coururent après Rousseau, le huèrent et le sifflèrent à peu près de la manière qu’on pratique à Paris envers un auteur dont la pièce est tombée.

Ils firent plus : à peine Rousseau fut-il rentré dans sa petite maison, la nuit du 6 au 7 septembre ; à peine était-il couché avec sa servante, c’est-à-dire M. Rousseau dans son lit, et sa servante dans le sien, que voilà une grêle de pierres qui tombe sur sa maison, comme il en tomba une sur les Amorrhéens devers Aïalon, Gabaon et Bethoron, immédiatement avant que le soleil s’arrêtât ; on cassa toutes ses vitres, et on enfonça ses deux portes. Il s’en fallut peu qu’une de ces pierres n’atteignit à la tempe M. Jean-Jacques, n’entamât le muscle temporal et l’orbiculaire, ne passât jusqu’au zygomatique, et, en pressant le tissu médullaire du cerveau, n’envoyât le patient débiter des paradoxes dans l’autre monde : ce qui aurait été regardé comme un miracle évident par tous les prédicants.

M. d’Assoucy ne se sauva pas plus vite de Montpellier[1] que M. Rousseau ne se sauva de Moutier-Travers.

Trouvez bon, monsieur, que je finisse ici ma lettre ; la poste me presse, j’achèverai par le premier ordinaire.

J’ai l’honneur d’être,

Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur,
BEAUDINET.
QUINZIÈME LETTRE.
de m. de montmolin, prêtre, à m. needham, prêtre[2].
À Boveresse, 24 décembre, l’an du salut 1765.

Monsieur,

Rapport que « je suis d’un caractère très-respectable[3] », étant prédicant de Travers et de Boveresse, a bovibus[4], qui sont des

  1. Voyez le Voyage de Chapelle et Bachaumont.
  2. Cette lettre était la dix-neuvième dans toutes les éditions antérieures à celles de Kehl. Si je ne la remets pas à sa première place, c’est dans la crainte de rendre faux quelque renvoi. (B.)
  3. Page 5 de l’information présentée au public par le professeur de Montmolin. (Note de Voltaire.)
  4. Ce prétendu ablatif pluriel de bos était une malicieuse facétie de Voltaire, qui voulait faire passer Montmolin pour un latiniste de travers. (Cl.)