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Si un philosophe m’objecte que les miracles ne sont pas vraisemblables, parce que, selon lui, l’univers se gouverne comme une machine, sans cause première[1], je réponds que le vraisemblable n’est pas toujours vrai, ni le vrai toujours vraisemblable. Selon vous, la morale, qui est bien peu de chose[2], doit être assujettie à la physique… La morale évangélique a donné une suite d’hommes vertueux, dans tous les siècles, qui ne valaient pas moins que M. le proposant des autres questions…[3]. La prolongation d’un jour ne demande pas autre chose que la simple suspension de la rotation de la terre autour de son axe…[4]. Pour que M. le proposant puisse se proposer comme digne d’assister au conseil du Très-Haut, il lui conviendra de prendre d’avance quelques leçons d’astronomie…[5]. C’est comme si l’on disait qu’il ne valait pas la peine d’avoir une législation en France, pour que deux cents maltôtiers s’enrichissent aux dépens du peuple…[6]. Les papes valent bien les Tibère et les Néron…[7]. Je raisonne ici ad hominem… « Répondez, dit Salomon, à un insensé selon sa folie…[8]. » Nos philosophes sont venus malheureusement plus de cent ans trop tard, ou pour réprimer la puissance exorbitante des papes, ou pour déclamer avec avantage contre l’intolérance des ecclésiastiques…[9].

Les insensés reviennent sans cesse à la quadrature du cercle…[10]. Si les

  1. Jésuite calomniateur, on n’a jamais rien dit de cela ; on a dit tout le contraire : que « Dieu gouverne l’univers, son ouvrage, par ses lois éternelles ». Pourquoi as-tu l’impudence d’accuser de nier une cause première ceux qui ne parlent que d’une cause première ? Tu devais savoir que cette arme rouillée, dont tes pareils se sont tant de fois servis, est aujourd’hui aussi abhorrée qu’inutile. (Note de Voltaire.)
  2. Jésuite calomniateur, comment es-tu assez abandonné pour dire de toi-même que la morale est peu de chose, ou pour imputer lâchement ce crime à ton adversaire, qui ne prêche que la morale ? (Id.)
  3. Et qui valaient un jésuite. (Id.)
  4. On voit par les lettres suivantes quelle est l’ignorance de ce jésuite Needham, qui oublie que la lune s’arrêta sur Aïalon. (Id.)
  5. Apprends-la donc, maître Needham, et sache que, pour que le soleil et la lune s’arrêtent dans leur cours, il est nécessaire qu’ils ne répondent plus aux mêmes étoiles ; un écolier de deux jours te l’apprendrait. (Id.)
  6. Quelle pitié de comparer des lois éternelles, émanées de la Divinité, aux règlements établis par les hommes ! Voyez la septième lettre de M. le proposant Théro. (Id.)
  7. Je le crois bien. (Id.)
  8. Crois-moi, mon pauvre Needham, pour raisonner extravagamment tu n’as pas besoin de te gêner ; abandonne-toi à ton beau naturel. (Note de M. Covelle.) (Id.)
  9. Non, Needham, on ne viendra jamais ni trop tôt ni trop tard pour réprimer des usurpations qui durent encore, et pour déplorer des désastres dont la mémoire ne périra jamais. Il faut que tous les siècles se lèvent en jugement contre les siècles affreux qui ont vu les massacres des Albigeois, ceux de Mérindol, ceux de la Saint-Barthélémy, ceux d’Irlande et des Cévennes ; parce que, tant qu’il y aura des théologiens dans le monde, ces temps horribles peuvent renaître ; parce que l’Inquisition subsiste, parce que les convulsionnaires ont troublé depuis peu la France, parce que les billets de confession ont produit sous nos yeux un parricide. Apprends que les sages doivent en tout temps réprimer tes pareils.
  10. Pauvre Needham, on ne répond plus aujourd’hui à ceux qui trouvent la qua-