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De plus, disent-ils, il est avéré que les premiers chrétiens forgèrent mille faux actes, et jusqu’à des prophéties de sibylles, comme on l’a déjà dit[1]. S’ils sont donc reconnus faussaires sur tant de points, ils doivent être reconnus faussaires sur les autres. Or les Évangiles sont les seuls monuments des miracles de Jésus ; ces Évangiles si longtemps ignorés se contredisent : donc ces miracles sont d’une fausseté palpable.

Ces objections, qu’il ne faut pas dissimuler, ont paru si spécieuses qu’on y répond encore tous les jours. Mais, disent-ils, toujours répondre est une preuve qu’on a mal répondu : car si on avait terrassé son ennemi du premier coup on n’y reviendrait pas à tant de fois.

On ne soutient plus aujourd’hui la donation de Constantin au pape Sylvestre, ni l’histoire de la papesse Jeanne, ni tant d’autres contes : pourquoi ? c’est qu’ils ont été détruits par la raison, et que tout le monde à la longue se rend à la raison, quand on la montre. Mais il faut bien que la matière des miracles n’ait pas encore été éclaircie, puisqu’on agite encore aujourd’hui cette question avec le plus grand acharnement.

Je vous ai exposé, monsieur, naïvement les objections des incrédules, qui me font frémir. Il ne faut ni les dissimuler, ni les affaiblir, parce qu’avec le bouclier de la foi on repousse tous les traits de l’enfer. Que ces messieurs lisent seulement les livres de la primitive Église, les Tertullien, les Origène, les Irénée, et ils seront bien étonnés. C’est à vous, monsieur, de nous tenir lieu de tous ces grands hommes.

Personne assurément n’est plus en état que vous de mettre fin à ces disputes, et de nous délivrer d’un si grand scandale ; personne ne fera mieux voir combien les miracles étaient nécessaires, à quel point ils sont évidents, quoiqu’on les combatte ; pourquoi ils furent ignorés du sénat et des empereurs, ayant été si publics ; pourquoi, lorsqu’ils furent plus connus des Romains, ils furent quelquefois attribués à la magie, dont toute la terre était infectée ; pourquoi il y avait tant de possédés ; comment les Juifs chassaient les diables avant Jésus-Christ ; comment les chrétiens eurent le même privilège, qu’ils n’ont plus. Développez-nous ce qu’en disent Tertullien, Origène, Clément Alexandrin, Irénée. Ouvrez-nous les sources où vous puisez la vérité ; noyez l’incrédulité dans ces eaux salutaires, et raffermissez la foi chancelante des fidèles.

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