Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
CHAPITRE XVIII.

On n’aurait jamais fait, si on voulait répondre à toutes les critiques. Je suis avec un profond respect de Votre Paternité,

Le très-humble, très-dévot et très-doux R.....[1],
natif d’Angoulême, préfet de la Congrégation.

Ce projet ne put être exécuté, parce que le P. Le Tellier y trouva quelques difficultés, et que Sa Paternité fut exilée l’année suivante. Mais comme il faut examiner le pour et le contre, il est bon de rechercher dans quels cas on pourrait légitimement suivre en partie les vues du correspondant du P. Le Tellier. Il paraît qu’il serait dur d’exécuter ce projet dans tous ses points ; mais il faut voir dans quelles occasions on doit rouer ou pendre, ou mettre aux galères les gens qui ne sont pas de notre avis : c’est l’objet de l’article suivant.


CHAPITRE XVIII.


SEULS CAS OÙ L’INTOLÉRANCE EST DE DROIT HUMAIN.


Pour qu’un gouvernement ne soit pas en droit de punir les erreurs des hommes, il est nécessaire que ces erreurs ne soient pas des crimes ; elles ne sont des crimes que quand elles troublent la société : elles troublent cette société, dès qu’elles inspirent le fanatisme ; il faut donc que les hommes commencent par n’être pas fanatiques pour mériter la tolérance.

Si quelques jeunes jésuites, sachant que l’Église a les réprouvés en horreur, que les jansénistes sont condamnés par une bulle, qu’ainsi les jansénistes sont réprouvés, s’en vont brûler une maison des Pères de l’Oratoire parce que Quesnel l’oratorien était janséniste, il est clair qu’on sera bien obligé de punir ces jésuites.

De même, s’ils ont débité des maximes coupables, si leur institut est contraire aux lois du royaume, on ne peut s’empêcher de dissoudre leur compagnie, et d’abolir les jésuites pour en faire des citoyens : ce qui au fond est un mal imaginaire, et un bien réel pour eux, car où est le mal de porter un habit court au lieu

  1. Cette initiale est celle du nom de Ravaillac ; c’est Voltaire lui-même qui l’apprend dans son Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven.