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64 LUCRÈCE ET POSIDONIUS.

POSIDONIUS.

Vous dites d'abord :

Idqiie situm média regione in pcctoris haeret. L'esprit est au milieu de la poitrine.

(Liv. III, V. 141.)

Mais quand vous avez composé vos beaux vers, u'avez-vous jamais fait quelque efTortde tête? Quand vous parlez de l'esprit de Cicéron ou de Forateur Marc-Antoine, ne dites-vous pas que c'est une bonne tête ? Et si vous disiez qu'il a une bonne poitrine, ne croirait-on pas que vous parlez de sa voix et de ses poumons?

LUCRÈCE.

Mais ne sentez-vous pas que c'est autour du cœur que se for- ment les sentiments de joie, de douleur, et de crainte ?

Hic exultât enim pavor ac metus ; haecloca circum L.TOtitiœ mulcent.

(Livre III, V. 1-12.)

Ne sentez -vous pas votre cœur se dilater ou se resserrer à une bonne ou mauvaise nouvelle ? N'y a-t-il pas là des ressorts se- crets qui se détentent ou qui prennent de l'élasticité? C'est donc là qu'est le siège de l'àme.

POSIDONIUS.

Il y a une paire de nerfs qui part du cerveau, qui passe à l'estomac et au cœur, qui descend aux parties de la génération, et qui leur imprime des mouvements : direz-vous que c'est dans les parties de la génération que réside l'entendement humain ?

LUCRÈCE.

Non, je n'oserais le dire; mais, quand je placerai l'àme dans la tête, au lieu de la mettre dans la poitrine, mes principes sub- sisteront toujours: l'âme sera toujours une matière infiniment déliée, semblable au feu élémentaire qui anime toute la machine.

POSIUOMUS.

Et comment concevez-vous qu'une matière déliée puisse avoir des pensées, des sentiments par elle-même ?

LUCRÈCE.

Parce que je l'éprouve, parce que toutes les parties de mon corps étant touchées en ont le sentiment ; parce que ce sentiment est répandu dans toute ma machine, parce qu'il ne peut y être répandu que par une matière extrêmement subtile et rapide ; parce que je suis un cori)S; parce qu'un corps ne peut être agité

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