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SUR LES MŒURS. 579

��1 XIX. — DE LA POPIL ATIO.N.

��Dans une nouvelle Histoire de France^, on prétend qu'il y avait huit millions de feux en France, dans le temps de Philippe de Valois : or on entend par feu une famille, et l'auteur entend par le mot de France ce royaume tel qu'il est aujourd'hui, avec ses annexes. Cela ferait, à quatre personnes par feu, trente-deux millions d'habitants, car on ne peut donner à un feu moins de quatre personnes, l'un portant l'autre.

Le calcul de ces feux est fondé sur un état de subside imposé en 1328, Cet état porte deux millions cinq cent mille feux dans les terres dépendantes de la couronne, qui n'étaient pas le tiers de ce que le royaume renferme aujourd'hui. Il aurait donc fallu ajouter deux tiers pour que le calcul de l'auteur fût juste. Ainsi, suivant la supputation de l'auteur, le nombre des feux de la France, telle qu'elle est, aurait monté à sept millions cinq cent mille. A quoi ajoutant probablement cinq cent mille feux pour les ecclésiastiques et pour les personnes non comprises dans le dénombrement, on trouverait aisément les huit millions de feux, et au delà. L'auteur réduit chaque feu à trois personnes; mais, parle calcul que j'ai fait dans toutes les terres où j'ai été, et dans celle que j'habite, je compte quatre personnes et demie par feu.

Ainsi, supposé que l'état de 1328 soit juste, il faudra néces- sairement conclure que la France, telle qu'elle est aujourd'hui, contenait, du temps de Philippe de Valois, trente-six millions d'habitants.

Or dans le dernier dénombrement fait, en 1753, sur un re- levé des tailles et autres impositions, on ne trouve aujourd'hui que trois millions cinq cent cinquante mille quatre cent quatre- vingt-neuf feux, ce qui, à quatre et demi par feu, ne donnerait que quinze millions neuf cent soixante et dix-sept mille deux cents habitants. A quoi il faudra ajouter les réguhers, les gens sans aveu, et sept cent mille âmes au moins que l'on suppose être dans Paris, dont le dénombrement a été fait suivant la capitation, et non pas suivant le nombre des feux.

De quelque manière qu'on s'y prenne, soit qu'on porte, avec

��1 . De cette xi\* remarque, les éditeurs de Kebl avaient formé la 3- section de l'article Population du Dictionnaire philosophique : voyez la note, tome XX, page 245. Un autre article sur la population forme le vingt-troisième des Articles extraits de la Gazette littéraire, qui sont dans le volume suivant.

2. Par Velly, Villaret et Garnier, tome X, page 24; ce volume est de Villaret.

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