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SUR LES MŒURS. iJTo

c'est de toutes les lois la plus mal exécutée ; mais elle s'élève tou- jours contre celui qui la trans?;resse ; il semble que Dieu l'ait mise dans l'homme pour servir de contre-poids à la loi du plus fort, et pour empêcher le genre humain de s'exterminer par la guerre, par la chicane, et par la théologie scolastique.

XVIII. — DU COMMERCE ET DES FINANCES.

La Hollande presque submergée, Gênes qui n'a que des rochers, Venise qui ne possédait que des lagunes pour terrain, eussent été des déserts, ou plutôt n'eussent point existé sans le commerce.

Venise, dès le xiv siècle, devint par cela seul une puissance formidable, et la Hollande l'a été de nos jours pendant quelque temps.

Que devait donc être l'Espagne sous Philippe II, qui avait à la fois le Mexique et le Pérou, et ses établissements en Afrique et en Asie dans l'étendue d'environ trois mille lieues de côtes?

Il est presque incroyable, mais il est avéré que l'Espagne seule retira de l'Amérique, depuis la fin du x y« siècle jusqu'au commen- cement du xviii% la valeur de cinq milliards de piastres en or et en argent, qui font vingt-cinq milliards de nos livres. Il n'y a qu'à lire don Ustariz et .Xavarette pour être convaincu de cette étonnante vérité. C'est beaucoup plus d'espèces qu'il n'y en avait dans le monde entier avant le voyage de Christophe Colomb. Tout pauvre homme de mérite qui saura penser peut faire là-dessus ses réflexions : il sera consolé quand il saura que de tous ces tré- sors d'Ophir il ne reste pas aujourd'hui en Espagne cent millions de piastres, et autant en orfèvrerie. Que dira-t-il quand il lira dans don Ustariz que la daterie^ de Rome a englouti une partie de cet argent? Il croira peut-être que Rome la sainte est plus riche au- jourd'hui que Rome la conquérante du temps des Crassus et des Lucullus. Elle a fait, il faut l'avouer, tout ce qu'elle a pu pour le devenir ; mais, n'ayant pas su être commerçante quand toutes les nations de l'Europe ont su l'être, elle a perdu, par son ignorance et par sa paresse, tout cet argent que lui ont produit ses mines de la daterie, et surtout ce qu'elle péchait si aisément avec les filets de saint Pierre.

L'Espagne ne laissa pas d'abord les autres nations entrer avec elle en partage des trésors de l'Amérique. Philippe II en jouit pres- que seul pendant plusieurs années. Les autres souverains deFEu-

1. Voyez, tome XVII, la note 3 de la page 333.

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