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570 REMARQUES DE L'ESSAI

comme vous ; mais nous avons vu depuis les Malagrida elles Da- mions. Et ce Damions', auquel personne na s'attendait, qu'a-t-il répondu à son premier interrogatoire^? ces propres mots : u C'est à cause de la religion, » Qu'a-t-il déclaré à la question^? a C'est ce que j'entendais dire à tous ces prêtres; j'ai cru faire une œuvre méritoire pour le ciel. » Il est évident que ce furent les billets de confession qui produisirent ce parricide^. Quels billets ! Mais ces liorreurs n'arrivent pas tous les ans? Non : on n'a pas toujours commis un parricide par année; mais qu'on me montre dans l'histoire, depuis Constantin, un seul mois où les disputes théo- logiques n'aient pas été funestes au monde.

XVI. — DU PROTESTANTISME ET DE LA GUERRE DES CÉVENNES.

Dans l'histoire de l'esprit humain le protestantisme était un grand objet. On voit que c'est le pouvoir de l'opinion, soit vraie, soit fausse, soit sainte, soit réprouvée, qui a rempli la terre de carnage pendant tant de siècles. Quelques protestants ont reproché à l'auteur de VEssai sur les Mœurs de les avoir souvent con- damnés ; et quelques catholiques ont chargé l'auteur d'avoir montré trop de compassion pour les protestants. Ces plaintes prouvent qu'il a gardé ce juste milieu qui ne satisfait que les esprits modérés.

Il est très-vrai que partout et dans tous les temps où l'on a prêché une réforme, ceux qui la prêchèrent furent persécutés et livrés au supplice. Ceux qui s'élevèrent en Europe contre l'Église de Rome comptèrent autant de martyrs de leur opinion que les chrétiens du second siècle en comptèrent de la leur, quand ils s'élevèrent contre le culte de l'empire romain. Les premiers chré- tiens étaient de vrais martyrs ; les premiers réformés étaient, dit- on, de faux martyrs : à la bonne heure; mais ils souffraient, ils mouraient véritablement les uns et les autres ; ils étaient tous les victimes de leur persuasion. Les juges qui les envoyèrent à la mort avaient la même jurisprudence, ils condamnaient par le même principe ; ils faisaient périr ceux qu'ils croyaient ennemis des lois divines et humaines : tout est parfaitement égal dans cette conduite du plus fort contre le plus faible. Le sénat romain, le concile de Constance, jugeaient delà même manière ; les con-

1, Voyez le Précis du Sircle de Louis XV, chai). \\\vn. {Xote de Voltaire.) '2. Page 4 du Procès de Damiens. {Id.)

3. Ibid., page 405. {Id.)

4. Voyez tome XV, page 393.

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