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commença son règne par faire tuer le comte d’Eu, son connétable. Il donna l’épée de connétable au prince d’Espagne don La Cerda, son favori, et l’investit des terres qui appartenaient à son beau-frère Charles, roi de Navarre. Cette injustice pouvait- elle n’être pas vivement ressentie par un prince du sang, souverain d’un beau royaume? On avait dépouillé son père des provinces de Champagne et de Brie; on donnait à un étranger l’Angoumois et d’autres terres qui étaient la dot de sa femme, sœur du roi de France. La colère lui fait commettre un crime atroce ; il fait assassiner le connétable La Cerda ; et ce qui est encore triste, c’est qu’il obtient, par ce meurtre, la justice qu’on lui avait refusée. Le roi transige avec lui sur toutes ses prétentions. Mais que fait Jean le Bon après cette réconciliation publique ? Il court à Rouen, où il trouve le roi de Navarre à table avec le dauphin et quatre chevaliers ; il fait saisir les chevaliers, on leur tranche la tête sans forme de procès ; on met en prison le roi de Navarre sur le simple prétexte qu’il a fait un traité avec les Anglais. Mais, comme roi de Navarre, n’était-il pas en droit de faire ce prétendu traité ? Et si, en qualité de comte d’Évreux et de prince du sang, il ne pouvait sans félonie négocier à l’insu du suzerain, qu’on me montre le grand vassal de la couronne qui n’a jamais fait de traités particuliers avec les puissances voisines. En quoi donc Charles le Mauvais est-il jusqu’à présent plus mauvais que bien d’autres? Plût à Dieu que ce titre n’eût convenu qu’à lui !

On prétend qu’il a empoisonné Charles V : où en est la preuve ? Qu’il est aisé de supposer de nouveaux crimes à ceux qui sont chargés de la haine d’un parti ! Il avait, dit-on, engagé un médecin juif de l’île de Chypre à venir empoisonner le roi de France. Ou voit trop fréquemment dans nos histoires des rois empoisonnés par des médecins juifs; mais une constitution valétudinaire est plus dangereuse encore que les médecins.

XV. — DES QUERELLES DE RELIGION.

On a vu que, depuis le pape Grégoire VII jusqu’à l’empereur Charles-Quint, les querelles de l’empire et du sacerdoce ont bouleversé l’un et l’autre. Depuis Charles-Quint jusqu’à la paix de Vestphalie, les querelles théologiques ont fait couler le sang en Allemagne ; le même fléau a désolé l’Angleterre depuis Henri VIII jusqu’au temps du roi Cuillaume, où la liberté de conscience fut pleinement établie.