Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/563

Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR LES MŒURS. o5:î

choses ; il est sans commencement et sans fin, il a produit tout, il gouverne tout, il est infiniment bon et infiniment juste, etc. » Mais, dit-on, les Chinois croient Dieu matériel ; il serait bien plus pardonnable au peuple de la Chine de nous faire ce re- proche, s'ils voyaient nos tableaux d'église dans lesquels nous peignons Dieu avec une grande barbe, comme Jupiter Olym- pien. -Xous insultons tous les jours les nations étrangères, sans songer combien nos usages peuvent leur paraître extravagants. Nous osons nous moquer d'un peuple qui professait la religion et la morale la plus pure, plus de deux mille ans avant que nous eussions commencé à sortir de notre état do sauvages, et dont les mœurs et les coutumes n'ont oiTert aucune altération, taudis que tout a changé parmi nous.

VII. — OPIMON, SUJET DE GCERRE E\ ECEOPE.

L'opinion n'a guère causé de guerres civiles que chez les chré- tiens, car le schisme des Osmanlis et des Persans n'a jamais été qu'une affaire de politique. Ces guerres intestines de religion, qui ont désolé une grande partie de l'Europe, sont plus exécra- bles que les autres, parce qu'elles sont nées du principe même qui devait prévenir toute guerre.

Il paraît que depuis environ cinquante ans la raison, s'intro- duisant parmi nous par degrés, commence à détruire ce germe pestilentiel qui avait si longtemps infecté la terre. On méprise les disputes théologiques; on laisse reposer le dogme, on n'an- nonce que la morale.

Il y a des opinions auxquelles on attache des signes publics, qui sont des étendards auxquelles nations se rallient -. le dogme alors est la trompette qui sonne la charge. Je vénère des statues, et tu les brises; tu reçois deux espèces, et moi une ; tu n'admets que deux sacrements, et moi sept; tu abats les signes de religion que j'élève : nous nous battrons infailliblement; et cette fureur durera jusqu'au temps où la raison viendra guérir nos esprits épuisés et lassés du fanatisme. Mais j'admets une grâce versatile, et toi une grâce concomitante ; la tienne est efficace, à laquelle on peut résister : la mienne, suffisante, qui ne suffit pas. Nous écri- rons les uns contre les autres des livres ennuyeux et des lettres de cachet ; nous troublerons quelques familles, nous fatiguerons le gouvernement, mais nous ne pourrons exciter de guerres, et on finira par se moquer dé nous.

L'opinion née des factions change quand les factions sont

�� �