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548 REMAROUES DE L'ESSAI

royaume de Jérusalem, conquis par un héros. Ils auraient con- féré toutes les principautés et tous les bénéfices de l'Asie Mineure et de l'Afrique ; et Rome eût plus fait par la religion qu'elle ne fit autrefois par les vertus des Scipion et des Paul-Émile.

m. — l'histoire de l'esprit HIMAIN MANQUAIT.

I On voit dans l'histoire ainsi conçue les erreurs et les préjugés se succéder tour à tour, et chasser la vérité et la raison. On voit les habiles et les heureux enchaîner les imbéciles et écraser les infortunés ; et encore ces habiles et ces heureux sont eux-mêmes les jouets de la fortune ainsi que les esclaves qu'ils gouvernent. Enfin les hommes s'éclairent un peu par ce tableau de leurs malheurs et de leurs sottises. Les sociétés parviennent avec le temps à rectifier leurs idées ; les hommes apprennent à penser.

On a donc bien moins songé à recueillir une multitude énorme de faits, qui s'eflacent tous les uns par les autres, qu'à rassembler les principaux et les plus avérés, qui puissent servir à guider le lecteur, et à le faire juger par lui-même de l'extinction, de la renaissance, et des progrès de l'esprit humain, à lui faire recon- naître les peuples par les usages mêmes de ces peuples.

Cette méthode, la seule, ce me semble, qui puisse convenir à une histoire générale, a été aussitôt adoptée par le philosophe - qui écrit l'histoire particulière d'Angleterre, M. l'abbé Velly et son savant continuateur' en ont usé ainsi dans leur Fis^ofre de France; en quoi ils sont, malgré leurs fautes, très-supérieurs à Mézerai et à Daniel,

4IV. — = DES USAGES MÉPRISABLES NE SUPPOSENT PAS TOLJOLUS UNE NATION MÉ PR ISAP.LE.

II y a des cas où il ne faut pas juger d'une nation par les usages et par les superstitions populaires. Je suppose que César, après avoir conquis l'Egypte, voulant faire fleurir le commerce

\. En 1703, cette troisième remarque commençait par neuf alinéas qui, depuis 1769, forment les alinéas 2-10 du chapitre x de l'Essai sur les Mœurs. Voyez tome XI, page 230.

2. Hume; voyez, dans le volume suivant, le vu" des Articles extraits de la Gazette littéraire.

3. Le continuateur de Velly est Villarcl, dont Voltaire avait déjà parlé (vojez tome XI], page 20), et dont il reparla avec éloge (voyez tome XV, page 4(>i).

4. C'était de cette remarque iv" que les éditeurs de Kehl avaient formé un article Ls.\ci;s dans le Dictionnaire pliilosophique. Voyez tome XX, page 547.

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