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RELATION DU VOYAGE

DE M. LE MARQUIS

LEFRANC DE POMPIGNAN

DEPUIS POMPIGNAN JUSQU’À FONTAINEBLEAU
ADRESSÉE AU PROCUREUR FISCAL DU VILLAGE DE POMPIGNAN[1].


Vous fûtes témoin de ma gloire, mon cher ami ; vous étiez à côté de moi dans cette superbe procession, lorsque j’étais derrière un jeune jésuite. Tous les bourdons du pays se faisaient entendre, tous les paysans étaient mes gardes. Vous entendîtes ce sermon, dans lequel il est dit que j’ai la jeunesse de l’aigle[2], et que je suis assis près des astres, tandis que l’envie gémit sous mes pieds. Vous savez combien ce sermon me coûta de soins ; je le refis jusqu’à trois fois, à l’aide de celui qui le prononça : car on ne parvient à la postérité qu’en corrigeant ses ouvrages dans le temps présent.

Vous assistâtes à ce splendide repas de vingt-six couverts[3], dont il sera parlé à jamais. Vous savez que je me dérobai quelques jours après aux acclamations de la province ; je pris la poste pour la cour ; ma réputation me précédait partout. Je trouvai à Cahors mon portrait en taille-douce dans le cabaret : il y avait au bas cinq petits vers qui faisaient une belle allusion aux astres, auprès desquels je suis assis :

Lefranc plane sur l’horizon :
Le ciel en rit, l’enfer en pleure.

  1. Il est question de cette Relation dans les Mémoires secrets, à la date du 28 février 1763. Il en existe une édition in-16 de quatre pages. Une réimpression in-8o est précédée de la Lettre de L’Écluse, qui lui sert de préface, et d’une Hymne. (B.) — Voyez la note 1 de la page 457.
  2. Ces expressions, qui se trouvent en effet dans le Discours (de Pieyrac), sont déjà rappelées dans la Lettre de L’Écluse.
  3. Voyez page 459.