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SUR LA MORT DES SIEURS CALAS. 369

mais, ne la voyant pas remonter pour me rendre compte, je des- cendis moi-même. Mais grand Dieu .'quelle fut ma douleur et ma surprise, lorsque je vis ce cher fils étendu à terre! Cependant je ne le crus pas mort, et je courus chercher de Teau de la reine d'Hongrie, croyant qu'il se trouvait mal ; et comme l'espérance est ce qui nous quitte le dernier, je lui donnai tous les secours qu'il m'était possible pour le rappeler à la vie, ne pouvant me persuader qu'il fût mort. Nous nous en flattions tous, puisque l'on avait été chercher le chirurgien, et qu'il était auprès de moi, sans que je l'eusse vu ni aperçu que lorsqu'il me dit qu'il était inutile de lui faire rien de plus, qu'il était mort. Je lui sou- tins alors que cela ne se pouvait pas, et je le priai de redoubler ses attentions et de l'examiner plus exactement, ce qu'il fit inu- tilement. Cela n'était que trop vrai; et pendant tout ce temps-là mon mari était appuyé sur un comptoir à se désespérer: de sorte que mon cœur était déchiré entre le déplorable spectacle de mon fils mort, et la crainte de perdre ce cher mari, de la douleur à laquelle il se livrait tout entier sans entendre aucune consolation; et ce fut dans cet état que la justice nous trouva, lorsqu'elle nous arrêta dans notre chambre où l'on nous avait fait remonter. Voilà l'affaire tout comme elle s'est passée, mot à mot ; et je prie Dieu, qui connaît notre innocence, de me punir éternelle- ment si j'ai augmenté ni diminué d'un iota, et si je n'ai dit la pure vérité en toutes ses circonstances. Je suis prête à sceller de mon sani; cette vérité.

��LETTRE

DE DOXAT CALAS FILS A LA DAME VEUVE CALAS, SA MÈRE.

De Châtelaine, 22 juin 1762.

Ma chère, infortunée et respectable mère, j'ai vu votre lettre du 15 juin entre les mains d'un ami qui pleurait en la lisant ^; je l'ai mouillée de mes larmes. Je suis tombé à genoux ; j'ai prié Dieu de m'exterminer si aucun de ma famille était coupable de l'abominable parricide imputé à mon père, à mon frère, et dans lequel vous, la meilleure et la plus vertueuse des mères, avez été impliquée vous-même.

Obligé d'aller en Suisse depuis quelques mois pour mou petit

1. C'est Voltaire.

24. — MÉLANGES. IIF. 24

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