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204 APPEL A TOUTES LES NATIONS

��L'ORPHELINE, TRAGÉDIE.

Un vieux gentilhomme bohème, nommé Acasto, est retiré dans son château avec ses deux fils, Castalio et Polidore. Il est vrai que ces noms-là ne sont pas plus bohèmes que celui de Clau- dius n'est danois. Serine, sa fille, demeure aussi dans la maison : de plus, il a chez lui une orpheline nommée Monime, qui n'est pas la Monime de Racine. Cette Monime lui a été confiée par le défunt père de la demoiselle. Il y a dans le château de mon- seigneur Acasto un chapelain, un page, et deux valets de chambre. Voilà le train du bonhomme, du moins celui qu'on voit sur le théâtre. Joignez-y encore une servante de Serine; ajoutez à tout cela un frère de Monime, homme un peu violent, qui arrive de Hongrie, et vous aurez tous les acteurs de cette tragédie.

Si celle d'Hcnnlet commence par deux sentinelles, celle de VOrpheline commence par deux valets de chambre : car il faut bien imiter les grands hommes. Ces valets parlent de leur bon maître Acasto, qui a quitté le service, et de ses deux enfants Polidore et Castalio, qui passent leur temps à la chasse. Pour no point amuser le lecteur, il faut lui dire que s'il se doute que les deux frères sont tous deux amoureux de Monime, comme dans Racine, il ne se trompe pas. Mais il sera peut-être un peu étonné d'apprendre que Castalio, l'un des deux frères, qui est aimé, per- met à son cher Polidore de coucher, s'il peut, avec Monime ; pourvu que lui, Castalio, puisse aussi avoir le même droit, il est content : car il jure qu'il ne veut pas l'épouser, et qu'il se mariera quand Usera vieux, pour mortifier sa chair.

Cependant, immédiatement après avoir parlé ainsi contre le mariage, il épouse secrètement Monime, et l'aumônier de la mai- son leur donne la bénédiction nuptiale. Sur ces entrefaites arrive de Hongrie M, Chamont, frère de Monime; c'est un homme bien étrange et bien difficile que ce M. Chamont. Il demande d'abord à sa sœur si elle a son pucelage. Monime lui jure qu'elle est une personne d'honneur. « Eh ! pourquoi êtes-vous en doute de mon pucelage, mon frère ? — Écoutez, ma sœur, il n'y a pas long- temps que j'eus un rêve en Hongrie; tout mon lit remua; je te vis entre deux gens qui te fétoyaient tour à tour : je pris ma grande épée, je courus à eux; et, en nréveillant, je vis que j'avais percé ma tapisserie à personnages juste dans l'endroit qui représente Polynice et Étéocle, les deux frères Thébains se tuant l'un l'autre.

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