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FRAGMENT

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��LETTRE DE LORD BOLINGBROKE.

��Un très-grand prince me disait, il y a deux mois, aux eaux d'Aix-la-Chapelle S qu'il se ferait fort de gouverner très-heureu- sement une nation considérable sans le secours de la superstition. « Je le crois fermement, lui répondis-je ; et une preuve évidente, c'est que moins notre Église anglicane a été superstitieuse, plus notre Angleterre a été florissante : encore quelques pas, et nous en vaudrons mieux. Mais il faut du temps pour guérir le fond de la maladie, quand on a détruit les principaux symptômes.

— Les hommes, me dit ce prince, sont des espèces de singes qu'on peut dresser à la raison comme à la folie. On a pris long- temps ce dernier parti ; on s'en est mal trouvé. Les chefs barbares qui conquirent nos nations barbares crurent d'abord emmuseler les peuples par le moyen des évêques. Ceux-ci, après avoir bien sellé et fessé les sujets, en firent autant aux monarques. Ils dé- trônèrent Louis le Débonnaire ou le Sot, car on ne détrône que les sots ; il se forma un chaos d'absurdités, de fanatisme, de dis- cordes intestines, de tyrannie et de sédition, qui s'est étendu sur cent royaumes. Faisons précisément le contraire, et nous aurons un effet contraire. J'ai remarqué, ajouta-t-il, qu'un très-grand

��1. Ce fut en 1742 que Voltaire vit, à Aix-la-Chapelle, Frédéric, qui était roi depuis plus de deux ans. Le prince dont il est question dans le Fragment n'était pas encore roi lors de la conversation supposée. Ainsi la date de Pentrevue de Frédéric et de Voltaire, à Aix-la-Chapelle ne peut indiquer à quelle époque ce morceau a été composé. Il a été imprimé, pour la première fois, dans les éditions de 1773, tome XXXVII, page 306, sous le titre que j'ai mis. Je ne crois pas ce fragment antérieur à 1760: et, en le plaçant à cette année, je dois avouer que c'est sans autorité, et seulement par induction. Cette pièce n'est pas la seule que Voltaire ait donnée sous le nom de Bolingbroke ; voyez, plus loin,r£'xff?Hen impor- tant. ( B.)

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