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DÉFENSE DU NEWTONIANISME.

vertu magnétique. On est sur les voies de la matière électrique ; mais, pour la gravitation et le cours des planètes, il est prouvé qu’aucun fluide n’en est la cause, et que nous devons nous en tenir à une loi particulière du Créateur : car recourir à Dieu est d’un ignorant, quand il s’agit de calculer ce qui est à notre portée ; mais, quand on touche aux premiers principes, recourir à Dieu est d’un sage.

L’auteur de l’Histoire du Ciel renouvelle encore une méprise assez considérable, où plusieurs savants sont tombés. Ils croient que Newton attribue l’élévation de l’équateur au pouvoir seul de l’attraction de la terre.

Ni Newton ni ses sectateurs ne s’expriment ainsi. Ils avouent tous que l’élévation nécessaire de l’équateur vient et doit venir de l’effort de la force centrifuge, qui est plus grande dans le grand cercle d’une sphère que dans les petits, et qui est nulle au point des pôles de la sphère.

L’attraction, la gravitation, la pesanteur est moins forte sous l’équateur, parce que cet équateur est plus élevé ; mais il n’est pas plus élevé parce que l’attraction y est moins forte.

On nous demande dans un livre sérieux[1] « si ce n’est pas l’attraction qui a mis en saillie le devant du globe de l’œil, qui a élancé au milieu du visage de l’homme ce morceau de cartilages qu’on appelle le nez ». Nous répondrons qu’une telle raillerie n’est ni une bonne raison ni un bon mot ; et quand même la raillerie serait fine, elle ne conviendrait point dans un livre où il ne faut que chercher la vérité, et serait très-mal appliquée à un homme comme Newton, et aux illustres géomètres qui l’étudient. D’ailleurs nous félicitons le sage auteur du Spectacle de la nature et de l’Histoire du Ciel de tomber moins qu’un autre dans le défaut de vouloir être plaisant: cette affectation trop répandue de traiter des matières sérieuses d’un style gai et familier rendrait à la longue la philosophie ridicule sans la rendre plus facile.

On reproche encore à Newton qu’il admet des qualités immatérielles dans la matière. Mais que ceux qui font un tel reproche consultent leurs propres principes : ils verront que beaucoup d’attributs primordiaux de cet être si peu connu qu’on nomme matière sont tous immatériels, c’est-à-dire que ces attributs sont des effets de la volonté libre de l’Être suprême : si la matière a du mouvement, si elle peut le communiquer, si elle gravite, si les

  1. C’est à propos de l’explication de l’anneau de Saturne de M. de Maupertuis. (Note de Voltaire.)