Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
DÉFENSE DU NEWTONIANISME.

sophes, la témérité d’imaginer un système pour expliquer la formation de l’univers, ce qui est assurément le contre-pied des procédés de Newton. Hypotheses non fingo, etc., dit Newton à la fin de ses Principes mathématiques, et avec cela on lui reproche encore ce qu’il nie si formellement.

L’auteur de l’Histoire du Ciel suppose, après beaucoup de personnes, et beaucoup d’autres supposent après lui[1], que les newtoniens regardent l’attraction comme un principe qui « a donné l’être à des comètes, aux planètes, un rang dans le zodiaque, un cortége plus ou moins grand de satellites ». Mais c’est encore une imputation que ni Newton ni aucun de ses disciples n’ont jamais méritée. Ils ont tous dit formellement le contraire ; ils avouent tous que la matière n’a rien par elle-même, et que le mouvement, la force d’inertie, la pesanteur, le ressort, la végétation, etc., tout est donné par l’Être souverain.

Par quelle injustice peut-on soupçonner que celui qui a découvert tant de secrets du Créateur, inconnus au reste des hommes, ait nié l’action de Dieu la plus connue et la plus sensible aux moindres esprits ? Il n’y a point de philosophie qui mette plus l’homme sous la main de Dieu que celle de Newton. Cette philosophie, la seule géométrique et la seule modérée, nous apprend les lois les plus exactes du mouvement, la théorie des fluides et du son ; elle anatomise la lumière ; elle découvre la pesanteur réelle des astres les uns sur les autres ; elle ne dit point que cette pesanteur, cette gravitation dont elle calcule les lois et les effets, soit la même chose que la force par laquelle la lumière se détourne de sa route et accélère son mouvement dans des milieux différents ; elle est bien loin de confondre les miracles de la réflexion et de la réfraction de la lumière avec ceux de la pesanteur des corps graves ; mais, ayant démontré que le soleil pèse sur la terre, et la terre sur lui, elle démontre que ce pouvoir est dans les moindres parties de la matière, par cela même qu’il est dans le tout : elle avoue ensuite que nul mécanisme ne rend raison de ses profondeurs, et elle adore la Sagesse éternelle qui en est le seul principe.

Elle ne dit point (comme on le lui reproche) que l’attraction universelle est la cause de l’électricité et du magnétisme, elle est bien loin d’une telle absurdité ; mais elle dit : Attendez, pour juger de la cause du magnétisme et de l’électricité, que vous ayez assez d’expériences. Il n’est pas encore prouvé qu’il y ait une

  1. C’est en effet l’opinion d’Herschell. Newton n’a pas été jusque-là. (D.)