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DÉFENSE DU NEWTONIANISME.

Snellius, Hollandais, a le premier trouvé la raison constante des sinus d’incidence aux angles de réfraction. Voilà ce que l’auteur de la Réfutation transforme judicieusement et avec charité en crime d’État.

Le critique, devenu ainsi délateur, accuse au hasard M. de Voltaire d’avoir trouvé ce fait dans Vossius, et il ajoute que le théorème dont Vossius parle est contraire à celui de Descartes.

Mais M. de Voltaire proteste qu’il n’a point lu Vossius, et que le fait se trouve dans Huygens, contemporain et disciple de Descartes, pages 2 et 3 de sa Dioptrique. Si d’ailleurs on veut savoir l’histoire de cette découverte, la voici : la mesure des réfractions fut tentée d’abord par l’Arabe Alhazen, puis par Vitellion, ensuite par Kepler, qui échouèrent tous ; Snellius Villebrode trouva enfin la proportion des sécantes, et Descartes finit par celle des sinus : ce qui est le même théorème que celui des sécantes, comme on peut le voir dans l’excellente physique de M. Musschenbroeck, page 285. « Cartesius, dit-il, adhibuit sinus usus inventioni Snellii, etc. » L’auteur des Éléments n’a fait en cela que dire simplement la vérité : est-ce être mauvais citoyen que de rendre justice aux étrangers ? y a-t-il donc des étrangers pour un philosophe[1] ?

Après avoir traité M. de Voltaire de traître à la patrie pour avoir loué un Hollandais, il le tourne de son mieux en ridicule sur ce même sujet tant rebattu de l’attraction de la lumière : il a cru voir que Newton et ses disciples pensent que la terre attire la lumière du corps même du soleil. Est-il possible, encore une fois, qu’on entende si fort à rebours l’état de la question ? et est-il possible qu’on puisse nous attribuer une opinion digne tout au plus de Cyrano de Bergerac ?

Voici ce qui a donné lieu probablement à cette étrange méprise.

L’auteur des Éléments, ayant souvent à parler dans son livre de la raison inverse du carré des distances, avait jugé à propos d’expliquer ce que c’est, en parlant de la lumière, parce qu’en effet l’intensité de la lumière est précisément en cette proportion ; mais il avertit expressément, page 88, édition de Londres, que

  1. On ne peut guère se dispenser de croire, sur la parole de Huygens et de Vossius, que cette proportion ne se trouve dans le manuscrit de Snellius ; et il est certain qu’elle donne celle de Descartes ; mais le philosophe français connaissait-il la découverte de Snellius ? Voilà toute la question ; et il n’est pas vraisemblable que Descartes n’ait connu ni le manuscrit de Snellius, ni cette proportion en particulier. (K.)