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MÉMOIRE
SUR LA SATIRE

À L’OCCASION
D’UN LIBELLE DE L’ABBÉ DESFONTAINES CONTRE L’AUTEUR.
(1739[1])


Il est honteux pour l’esprit humain que sous un gouvernement de sagesse et de paix, qui semble faire de la France une seule famille, la discorde règne dans les belles-lettres, et que la société ne soit troublée que par ceux qui devraient en faire la douceur principale.

Un libelle infâme[2] ayant révolté le public, il y a quelques mois, j’ai cru qu’il ne serait pas inutile de proposer ici quelques idées sur la satire, accompagnées de l’histoire récente des injustices, des crimes même, et des malheurs qu’elle a produits de nos jours. Je tâcherai de parler en philosophe et en historien, et de montrer la vérité la plus exacte dans les réflexions comme dans les faits.

Je commencerai d’abord par examiner la nature de la critique ; ensuite je donnerai une histoire, peut-être utile, de la satire et de ses effets, à prendre seulement depuis Boileau jusqu’au dernier libelle diffamatoire qui a paru depuis peu : ce qui fera un tableau dont le premier trait sera l’abus que Boileau a fait de la critique ; et le dernier sera l’excès horrible où la satire s’est portée de nos jours.

  1. La date de 1739 est donnée par l’auteur lui-même, page 60. Ce Mémoire sur la Satire n’est qu’une seconde version du Mémoire qui précède ; mais il n’y a pas deux pages de semblables dans ces deux versions.
  2. La Voltairomanie ; voyez la note, tome XXII, page 371.