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EXTRAIT

comme ces Éléments ont rapport à la figure de la terre, il y a des chapitres intéressants. On a écrit tant de livres sur ces matières qu’il est bon d’avertir, en général, les auteurs que ce n’est pas assez de dire ce que le public sait déjà, et qu’il n’est utile d’écrire que des choses neuves. Un homme est instruit des principes de la géométrie ; mais à quoi bon apprendre au public qu’il en est instruit ? Nous ne faisons pas cette réflexion pour l’auteur des Éléments, mais en général pour tous ceux qui font imprimer ce qu’on a déjà dans tant de volumes.

La Lettre sur la Comète serait peut-être dans ce cas d’inutilité, si ce n’était pas un ouvrage où l’auteur a cherché à répandre des agréments. Ce n’est ni une histoire, ni une explication des comètes. L’auteur se sert, dans ce petit ouvrage, du privilége qu’on a, dans ces lettres, de ne dire que ce qu’on veut, et d’effleurer les sujets. Il a cru être en droit d’imiter le style de M. de Fontenelle : « Une comète pourrait nous voler notre lune[1] ; les comètes pourraient porter leurs attentats jusqu’au soleil[2] ; un tempérament mal à propos robuste[3], » et d’autres expressions pareilles, sont de ce style familier que le genre épistolaire admet, mais dont on doit se garder dans les lettres qu’on écrit au public.

La Vénus physique, qui suit, est plus extraordinaire encore que le système des astres changés en meules de moulin. C’est par l’attraction, selon lui, que l’homme se forme dans le ventre de la mère. Un pied gauche attire un pied droit, qui vient se placer au bout de la jambe. L’œil droit attire l’œil qui vient se mettre à gauche[4]. À ces imaginations singulières l’auteur joint des questions qui ne le sont pas moins. Il demande si ce n’est pas un certain instinct, une certaine harmonie préétablie qui préside à l’union des petites parties du fœtus ; si cet instinct n’appartient pas, dans le fœtus, à un seul atome, à l’exclusion de tous les autres.

Cette brochure est d’ailleurs écrite dans un style qui tantôt

  1. Page 200 des Œuvres de Maupertuis, 1752, in-4o.
  2. Page 201.
  3. Page 202 des Œuvres de Maupertuis.
  4. Page 247-48 de l’édition déjà citée, on lit :

    « Pourquoi, si cette force (l’attraction) existe dans la nature, n’aurait-elle pas lieu dans la formation du corps des animaux ? Qu’il y ait dans chacune des semences des parties destinées à former le cœur, la tête, les entrailles, les bras, les jambes ; et que ces parties aient chacune un plus grand rapport d’union avec celle qui, pour la formation de l’animal, doit être sa voisine, qu’avec toute autre : le fœtus se formera ; et, fût-il encore mille fois plus organisé qu’il n’est, il se formerait. »