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DE LA BIBLIOTHÈQUE RAISONNÉE.

tion. C’est sur cette loi générale mathématique qu’il fonde l’existence de Dieu.

Il est difficile de concilier cette prétendue loi avec la profusion qu’on remarque dans toutes les opérations de la nature. Cette loi paraît même directement opposée à l’effet qui arrive dans le chemin, et le temps allongé que prend un rayon de lumière dans la réfraction. Enfin si cette loi a quelque vraisemblance, elle ne serait que l’ancien axiome que la nature agit toujours par les voies les plus simples.

Mais ce qu’il est très-important d’observer, c’est que rien ne serait plus capable de jeter des doutes sur le dogme si vrai et si nécessaire de l’existence d’un Dieu infiniment sage et infiniment juste, que de réduire toutes les preuves morales et physiques de cette vérité à une formule algébrique. Un théorème géométrique est une vérité nécessaire. Les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits, parce que la chose ne peut être autrement. Or la nécessité des choses est précisément l’opposé d’un Dieu infiniment puissant et infiniment libre. Ce qui est nécessaire exclut un choix. C’est dans ce choix des moyens que le grand géomètre Newton trouvait une des convictions les plus frappantes de l’existence de l’Etre créateur et gouverneur. Il serait à souhaiter que l’auteur eût plus corrigé qu’il n’a fait cet Essai de Cosmologie, trop superficiel d’ailleurs pour instruire, et dans lequel il y a trop de vérités combattues, des assertions hasardées, et pas assez de clarté.

Cet Essai est suivi d’un Discours sur les différentes figures des astres, qui avait déjà paru, et dont l’auteur a sagement retranché des propositions trop peu vraisemblables sur l’idée qu’il s’était faite de quelques étoiles qu’il faisait ressembler à des meules de moulin. Ce petit traité, purgé de ces singularités qui l’avaient décrié, est plein de connaissances physiques. On voit que l’auteur est très-instruit. Nous n’entrerons point dans le détail de cet ouvrage, parce que toutes ces choses sont connues, et enseignées dans toutes les académies de l’Europe.

Le Voyage au cercle polaire vient après le Discours sur les astres. C’est un ouvrage bien fait, curieux et instructif, dont on a déjà rendu compte plusieurs fois ; et nous pouvons avancer que ce voyage est le meilleur traité de ce recueil.

Les Éléments de géographie sont bien inférieurs à ce voyage. Ils paraissent mal intitulés, Éléments de géographie ; ce sont des Éléments de la sphère. On désirerait qu’ils fussent plus approfondis, et que l’auteur eût plus profité de Keill et de Grégori. Cependant,