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DIALOGUE[1]
ENTRE
MARC-AURÈLE ET UN RÉCOLLET

MARC-AURÈLE.

Je crois me reconnaître enfin. Voici certainement le Capitole, et cette basilique est le temple ; cet homme que je vois est sans doute prêtre de Jupiter. Ami, un petit mot, je vous prie.

LE RÉCOLLET.

Ami ! l’expression est familière. Il faut que vous soyez bien étranger pour aborder ainsi frère Fulgence, le récollet, habitant du Capitole, confesseur de la duchesse de Popoli, et qui parle quelquefois au pape comme s’il parlait à un homme.

MARC-AURÈLE.

Frère Fulgence au Capitole ! les choses sont un peu changées. Je ne comprends rien à ce que vous dites. Est-ce que ce n’est pas ici le temple de Jupiter ?

LE RÉCOLLET.

Allez, bonhomme, vous extravaguez. Qui êtes-vous, s’il vous plaît, avec votre habit à l’antique, et votre petite barbe ? D’où venez-vous, et que voulez-vous ?

MARC-AURÈLE.

Je porte mon habit ordinaire ; je reviens voir Rome : je suis Marc-Aurèle.

  1. Ce dialogue est de juin 1751. Il fut imprimé, en 1752, dans le tome III de la petite édition des Œuvres de Voltaire, faite à Dresde. Cependant il fait aussi partie du tome VI, in-8o, des Œuvres posthumes de Frédéric II, roi de Prusse, sans doute d’après une mauvaise copie qui se trouva dans les papiers de ce prince. La lettre de Voltaire à Frédéric, du 5 juin 1751, ne laisse aucun doute sur l’auteur, et détruit toutes les inductions qu’on pourrait tirer de celles du 27 avril et du 4 mai 1770. (B.)