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MÉMOIRE DU SIEUR DE VOLTAIRE.

de la plus opiniâtre ingratitude que M. de Voltaire a écrit enfin cette lettre si simple, si vraie, pour infirmer au moins les témoignages outrageants que rendait contre lui l’abbé Desfontaines, de bouche et par écrit, en public et en particulier.

Qu’avait le sieur Desfontaines à faire quand l’auteur du Préservatif, outragé par lui, a publié enfin cette lettre du sieur de Voltaire ? Rien autre chose qu’à dire ce qu’il avait dit autrefois à M.  de Voltaire même, au sujet du libelle en question : Je suis coupable, je demande pardon ; j’ai offensé celui à qui je devais la vie et l’honneur ; je passerai le reste de ma vie à réparer un tort que je supplie qu’on n’impute qu’à mon malheureux penchant pour la satire, que j’abjure à jamais.

Au lieu de prendre ce parti, le seul qui lui restait, voyons ce qu’il a fait, et par quels outrages nouveaux il a réparé son crime : Je suis, dit-il[1], un homme de condition ; il y a une présidente qui est mon alliée ; le sieur de Voltaire m’a rendu à la vérité un petit service, mais il est petit-fils d’un paysan, et ce qu’il a fait en ma faveur, il ne l’a fait que pour obéir à M.  le président de Bernières, son bienfaiteur, son protecteur, qui le nourrissait, qui le logeait par charité, et qui l’a chassé de chez lui en 1726. À l’égard du libelle prétendu qu’il m’imputait, M. Thieriot, aussi honoré des honnêtes gens que Voltaire en est détesté, dément publiquement Voltaire, qui est un menteur impudent. Ce sont là presque toutes les paroles du sieur Desfontaines ; elles feraient un tort irréparable au sieur de Voltaire s’il y en avait une seule de vraie : l’honneur de sa famille l’oblige à les réfuter. Méprisez les calomniateurs, dit-on ; reposez-vous sur votre innocence, sur la honte de vos ennemis. Ce sont là des conseils très-bons à donner sur un ouvrage de goût, sur un poëme épique, sur une tragédie ; mais, quand il s’agit de l’honneur, ils sont très-mauvais. J’ai assez d’expérience pour savoir qu’un homme public, qui n’est pas un homme puissant, doit repousser les calomnies publiques : eh ! d’ordinaire, quels amis s’en chargeraient ! hélas ! souvent les amis craignent de se compromettre ; quelquefois même ils voient avec une secrète complaisance une accusation qui semble leur donner des droits sur vous ! ils se consolent de l’outrage fait à leur ami, par la petite supériorité qu’ils en retirent. Des amis plus fermes, plus amis[2], engagent ici le sieur de Voltaire à se défendre avec la même confiance qu’ils le justi-

  1. Ce que Voltaire imprime ici en italique n’est pas le texte, mais l’analyse de ce qu’on lit dans la Voltairomanie, pages 10 et suivantes. (B.)
  2. Mme  du Châtelet ; voyez les Mémoires de Longchamp et Wagnière, 1826, tome II, pages 417 et suivantes.