Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
426
LETTRE À M. DE SAINTE-ALBINE.

le peu de justesse de mes applications. Cette critique n’attaque point l’auteur, mais seulement l’ouvrage, et vous usez du droit de tous ceux entre les mains desquels il tombera. Mais l’auteur et l’ouvrage ont des intérêts totalement séparés. Le prince des poëtes comiques de votre nation a fait sentir cette distinction lorsqu’il a fait dire à son Misanthrope[1] :


On peut être honnête homme, et faire mal des vers.


Je consens volontiers que vous me refusiez même le sens commun, soit en vers, soit en prose ; mais du moins ne donnez point d’atteinte à ma probité. Ma brochure peut être ridicule, je le veux ; mais ce dont vous m’accusez est un crime dont tout homme d’honneur rougirait, et si j’ai eu des raisons pour ne pas découvrir mon nom, ce n’était point du tout dans le dessein de faire jouer le rôle d’un fat qui se loue, à un homme digne d’admiration, et aux talents duquel on rend hommage dans tous les endroits du monde où les lettres sont connues.

Je vous crois trop honnête homme, monsieur, pour ne me pas faire la grâce d’insérer ma lettre dans le volume du mois prochain, afin de réparer le tort que vous m’avez pu faire dans l’esprit de tous les honnêtes gens ; et je me flatte qu’elle chassera du vôtre les idées peu avantageuses que des conjectures un peu trop légères y ont fait naître.

Je suis, etc.

D***.
À Londres, ce 15 octobre 1749.
FIN DE LA LETTRE À M. DE SAINTE-ALBINE.
  1. Acte IV, scène ire.