Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
422
DU VRAI DANS LES OUVRAGES.

Cela est encore pis ; l’équivoque avec les animaux, dans l’arche renfermée, comme serpent ! Quelle expression ! et quelle idée !

On ne reconnut plus qu’usurpateurs iniques. (v. 121.)

C’est avoir une terrible envie de rendre l’équivoque responsable de tout que de dire qu’elle a fait les premiers tyrans. En un mot, rien n’est vrai dans cette satire. Aussi c’est sa plus mauvaise, de l’aveu des connaisseurs.

Racine est un homme admirable pour le vrai qui règne dans ses ouvrages. Il n’y a pas, je crois, d’exemple chez lui d’un personnage qui ait un sentiment faux, qui s’exprime d’une manière opposée à sa situation, si vous en exceptez Théramène, gouverneur d’Hippolyte, qui l’encourage ridiculement dans ses froides amours pour Aricie (acte I, sc. i) :

Vous-même, où seriez-vous, vous qui la combattez,
Si toujours Antiope, à ses lois opposée,
D’une pudique ardeur n’eût brûlé pour Thésée ?

Il est vrai physiquement qu’Hippolyte ne serait pas au monde sans sa mère ; mais il n’est pas dans le vrai des mœurs, dans le caractère d’un gouverneur sage, d’inspirer à son pupille de faire l’amour contre la défense de son père.

Les autres héros qu’il fait parler ne disent pas toujours des choses fortes et sublimes ; mais ils en disent toujours de vraies, au contraire de Corneille, qui s’égare trop souvent dans un pompeux et vain étalage de déclamations ampoulées et frivoles. Il est si condamnable sur cet article que, si la plupart de ses pièces étaient nouvelles, je ne crois pas que les beautés en rachetassent les défauts, quelque grandes qu’elles puissent être.

C’est pécher contre le vrai que de peindre Cinna comme un conjuré incertain, entraîné malgré lui dans la conspiration contre Auguste, et de faire ensuite conseiller à Auguste, par ce même Cinna, de garder l’empire pour avoir un prétexte de l’assassiner. Ce trait n’est pas conforme à son caractère. Il n’y a là rien de vrai. Corneille pèche contre cette loi dans des détails innombrables.

Molière est vrai dans tout ce qu’il dit. Tous les sentiments de la Henriade, de Zaïre, d’Alzire, de Brutus, portent un caractère de vérité sensible.

Il y a aussi une autre espèce de vrai qu’on recherche dans les ouvrages : c’est la conformité de ce que dit un auteur, avec son