Que l’on compare à présent la force et l’harmonie d’une telle poésie, avec les vers dont sont remplis les opéras qui ont parmi nous du succès à la faveur de la musique ; on y verra :
Zirphé, qui vous voit vous adore.
Quoi ! j’aime autant qu’on peut aimer,
Et je n’ai point vu ce que j’aime.
Une sylphide peut aimer ;
Mais une mortelle est charmante.
Vous paraissiez charmant ; vous traversiez les airs.
Il faudrait rougir pour la nation si des platitudes si fades ne faisaient mal au cœur à tous les connaisseurs. Qui croirait que dans un opéra de Paris, des plus suivis, on chante :
Tous les cœurs sont matelots ;
Voguons dessus les flots ?
On s’imagine être revenu au temps de Henri II et de Charles IX quand on entend des puérilités si gothiques. L’excuse de cette misère est, dit-on, dans la stérilité des musiciens ; mais cette excuse est bien malheureuse.
Si je suivais mon goût, je ne parlerais de la satire que pour en inspirer quelque horreur, et pour armer la vertu contre ce genre dangereux d’écrire. La satire est presque toujours injuste, et c’est là son moindre défaut. Son principal mérite, qui amorce le lecteur, est la hardiesse qu’elle prend de nommer les personnes qu’elle tourne en ridicule. Bien moins retenue que la comédie, elle n’en a pas les difficultés et les agréments. Ôtez les noms de Cotin, de Chapelain, de Quinault, et un petit nombre devers heureux, que restera-t-il aux Satires de Boileau ? Mais le Misanthrope, le Tartuffe, qui sont des satires encore plus fortes, se soutiennent sans ce triste avantage d’immoler des particuliers à la risée publique. Quand je dis que la satire est injuste, je n’en veux pour preuve que les ouvrages de Boileau. Il veut, dans une de ses premières satires, élever la tragédie d’Alexandre de Racine