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MÉTAPHORE.

Aussitôt, balançant le poids de la nature,
La grâce de ses dons redouble la mesure.

(Ch. III, 194-199.)

Ces vers sont dans le ton didactique de l’ouvrage ; mais ils sont un peu lâches, comme presque tous ceux de cet auteur, qui d’ailleurs est assez pur et correct. C’est dans les ouvrages didactiques qu’il faut peut-être le plus d’imagination, pour nourrir la sécheresse du fond, et pour en varier l’uniformité.

MÉTAPHORE.

La métaphore est la marque d’un génie qui se représente vivement les objets. C’est une comparaison vive et subite qu’il fait des choses qui le touchent, avec les images sensibles que présente la nature. C’est l’effet d’une imagination animée et heureuse. Mais cette figure doit être employée avec ménagement. Cicéron dit : Verecunda debet esse translatio (De Oratore, III).

Cette métaphore qu’on trouve, par exemple, dans la tragédie d’Héraclius est trop forte et trop gigantesque (acte I, sc. iii) :

La vapeur de mon sang ira grossir la foudre
Que Dieu tient déjà prête à le réduire en poudre.

Il n’est pas non plus naturel à Chimène de dire, après la mort de son père (acte IV, sc. iii) :

J’irai, sous mes cyprès, accabler ses lauriers.

Ce n’est pas ainsi que s’exprime la douleur véritable. On a repris aussi, dans la tragédie de Brutus, ces vers :


Sa victoire affaiblit vos remparts désolés ;
Du sang qui les inonde ils semblent ébranlés.

(Acte I, scène ii.)

C’est une hyperbole ; et je crois que l’hyperbole est une figure défectueuse par elle-même, puisque par sa nature elle va toujours au delà du vrai.

Pourquoi approuve-t-on ces vers-ci de la Mort de César (acte III, sc. iv) ?


Rome, qui détruit tout, semble enfin se détruire.
Ce colosse effrayant dont le monde est foulé,