Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/402

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
392
LANGAGE.

Ces deux vers sont un galimatias, pour le sens et pour l’expression. Des amorces ne donnent pas des forces, et on ne se sent pas un cœur nouveau à une amorce.

Mes yeux, puis-je vous croire, et n’est-ce point un songe[1]
Qui sur mes tristes vœux a formé ce mensonge ?

Un songe qui forme un mensonge sur des vœux, forme une phrase trop entortillée et trop peu exacte. C’est du galimatias.

Qu’avec chaleur, Philippe, on court à le venger[2].

On court venger, saisir, prendre, combattre. On ne court point à combattre, à prendre, à saisir, à venger.

Pour grand qu’en soit son prix, son péril en rabat[3].

Pour grand que n’était plus en usage dès le temps de Corneille. On ne trouve pas de ces expressions surannées dans les Lettres provinciales, qui sont de même date[4]. Il en rabat est un terme de tout temps ignoble.

Je n’aimais mieux juger sa vertu par la nôtre[5].

Il faut juger de sa vertu par la mienne. Il n’est pas permis de joindre, en cette occasion, le pluriel au singulier. Phèdre, dans Racine, au lieu de dire

J’excitai mon courage à le persécuter,

(Acte I, scène iii.)
ne dit point j’excitai notre courage à le persécuter.

Parce qu’au point qu’il est, j’en voudrais faire autant[6].

Parce que fait toujours, en vers, un très-mauvais effet ; au point qu’il est est actuellement suranné et familier.

Je ne viens pas ici pour troubler une plainte[7]
Trop juste à la douleur dont vous êtes atteinte.

  1. Acte V, scène ire, v. 1 et 2.
  2. Ibid., 87-88.
  3. Ibid., 95.
  4. Pompée est de 1641 ; les Lettres provinciales sont de 1656.
  5. Acte V, scène ire vers 102.
  6. Ibid., vers 104.
  7. Ibid., scène ii, vers 1 et 2.