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LANGAGE.

piège avec artifice ; on emploie un artifice : on fait jouer des ressorts avec artifice.

Ne ferme point mes yeux aux défauts qu’on lui treuve[1].

Il faut remarquer que du temps de Molière on disait encore treuve. La Fontaine a dit : Dans les citrouilles je la treuve ; mais l’usage a aboli ce terme.

Mais si son amitié pour vous se fait paraître. (I, i.)

Une amitié paraît, et ne se fait point paraître. On fait paraître ses sentiments, et les sentiments se font connaître.

Non, ce n’est pas, madame, un bâton qu’il faut prendre,
Mais un cœur à leurs vœux moins facile et moins tendre.

(Acte II, scène i.)

On ne peut pas dire prendre un cœur facile, au lieu d’un bâton ; cela est évident. Facile à leurs vœux est bon ; mais tendre à leurs vœux n’est pas français, parce qu’on est tendre pour un amant, non pas tendre à un amant.

...... Et ses soins tendent tout
Pour accrocher quelqu’un.

Les soins peuvent tendre à quelque chose, mais non pour quelque chose[2]. Mes vœux tendent à Paris, et non pour Paris.

Et son jaloux dépit qu’avec peine elle cache,
En tous endroits sous main contre moi se détache.

(Ibid.)
  1. À ces vers du Misanthrope, acte Ier, scène ire,




    Non, l’amour que je sens pour cette jeune veuve

    Ne ferme point mes yeux aux défauts qu’on lui treuve,



    Voltaire a, s’il faut en croire Ximénès, substitué ceux-ci :

    Non, sans doute, et les torts de cette jeune veuve

    Mettent cent fois le jour ma constance à l’épreuve.



    Voyez Œuvres de Molière, édition Louis Moland, tome IV, page 58.

  2. On lit dans Molière, acte III, scène iii :

    Et ses soins tentent tout
    Pour accrocher quelqu’un.

    La remarque est sans objet.