car le temps était fort grossier : témoin les satires de Régnier, qui n’avaient aucune finesse, et qui cependant furent goûtées.
Je ne sais si cette épigramme-ci, de Rousseau, n’est pas aussi condamnable :
L’usure et la poésie
Ont fait, jusques aujourd’hui,
Du fesse-matthieu de Brie
Les délices et l’ennui.
Ce rimailleur à la glace
N’a fait qu’un pas de ballet,
Du Châtelet au Parnasse,
Du Parnasse au Châtelet.
Où est la plaisanterie, où est le sel, où est la finesse, de dire crûment qu’un homme est un usurier ? Comment est-ce qu’on fait un pas de ballet du Châtelet au Parnasse ? De plus, dans une épigramme, il faut rimer richement : c’est un des mérites de ce petit poëme. La rime de poésie avec de Brie est mauvaise ; mais, ce qu’il y a de plus mauvais dans cette épigramme, c’est la grossièreté de l’injure.
Cette grossièreté condamnable est un vice qui se rencontre trop souvent dans les pièces satiriques, dans les épîtres et allégories de cet auteur. Les termes de « faquin, bélître, maroufle », et autres semblables, qui ne doivent jamais sortir de la bouche d’un honnête homme, doivent encore moins être soufferts dans un auteur qui parle au public.
Au lieu de commencer ici par des morceaux détachés qui peuvent servir d’exemples, je commencerai par observer que les Français sont le seul peuple moderne chez lequel on écrit élégamment des fables.
Il ne faut pas croire que toutes celles de La Fontaine soient égales. Les personnes de bon goût ne confondront point la fable des Deux Pigeons[1]. Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre, avec celle qui est si connue, La cigale ayant chanté tout l’été[2], ou avec celle qui commence ainsi : Maître corbeau sur un arbre perché[3]. Ce qu’on fait apprendre par cœur aux enfants est ce qu’il y a de