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MÉMOIRE DU SIEUR DE VOLTAIRE.

cet écrit n’est point du sieur de Voltaire : il s’occupe à des choses plus importantes. On n’y retrouve assurément ni son caractère ni son style : il ne dit pas cependant que sa manière d’écrire soit meilleure ; il dit qu’il est bien aisé de voir si elle est différente.

Un ennemi cruel du sieur de Voltaire (et pourquoi est-il son ennemi, on le sait !) prend ce prétexte pour inonder Paris du plus affreux libelle diffamatoire qui ait jamais soulevé l’indignation publique. Comment ne serait-on pas révolté d’un libelle[1] où l’on traite si injurieusement M. Andry[2], qui travaille avec applaudissement depuis trente ans, sous M. Bignon, au Journal des Savants ; où l’on appelle un autre médecin[3] Thersite de la faculté ; M. de Fontenelle, ridicule ; celui-là, faquin ; celui-ci, polisson ; un autre, cyclope ; un autre, colporteur ; un autre, enragé, etc. ; où l’on ne prodigue enfin que des injures atroces ? Malheureux partage de la colère et de l’aveuglement[4] ! J’ose demander surtout à l’estimable corps des avocats quelle est leur indignation contre un perturbateur du repos public qui ose mettre sous le nom d’avocat cet écrit scandaleux, comme s’il y avait un avocat qui fît un mémoire sans le signer, qui pût se charger de tant d’horreurs, qui pût jamais écrire dans un semblable style[5] !

On divisera la réfutation en deux parties. Les accusations littéraires les plus graves seront le sujet de la première ; on se détermine à en parler, parce que le public en peut retirer quelque avantage, et qu’on ne doit jamais négliger l’éclaircissement d’une vérité ; d’ailleurs, par une fatalité malheureuse, ces éclaircissements tiennent à des calomnies personnelles ; la vertu s’y trouve souvent intéressée ainsi que les belles-lettres. La seconde partie contiendra la réfutation par pièces originales des plus outrageantes impostures que jamais honnête homme ait essuyées, et qui aient armé la sévérité des lois. Le sieur de Voltaire, préférant la retraite et l’étude à la malheureuse occupation de solli-

  1. Ce passage se retrouve aussi presque textuellement dans le Mémoire sur la Satire.
  2. Célèbre médecin qui fut doyen de la faculté ; mort en 1742.
  3. Procope, fils du cafetier.
  4. Variante. « Des injures atroces, ce malheureux partage de la colère et de l’aveuglement. » (Voltaire et la Police, page 187.)
  5. La Voltairomanie portait en sous-titre : Lettre d’un jeune avocat en forme de Mémoire, au nom des avocats. Un membre du barreau de Paris, nommé Pageau, récusa au nom de son ordre toute participation à ce libelle de Desfontaines. Voltaire cite sa lettre dans son Mémoire sur la Satire, voyez page 60.