Se livrer en sifflant des guerres intestines,
Et de leur sang impur arroser leurs racines.
Il y a très-peu de comparaisons dans ce goût. Il n’est rien de plus rare que de rencontrer dans la nature un assemblage de phénomènes qui ressemblent à d’autres, et qui produisent en même temps de belles images : de telles beautés sont fort au-dessus de la poésie ordinaire, et transportent un homme de goût. J’ai été étonné de trouver si peu de comparaisons dans les odes de Rousseau ; voici presque les seules :
Ainsi que le cours des années
Se forme des jours et des nuits,
Le cercle de nos destinées
Est marqué de joie et d’ennuis.
(Liv. II, od. IV.)
Outre que cette idée est fort commune, le cercle marqué de joie me paraît une expression vicieuse ; et la joie, au singulier, opposée aux ennuis, au pluriel, me paraît un grand défaut.
Il y a dans la même ode une espèce de comparaison plus ingénieuse, qui roule sur le même sujet : Jupiter fit l’homme semblable
À ces deux jumeaux que la fable
Plaça jadis au rang des dieux ;
Couple de déités bizarre.
Tantôt habitant du Ténare.
Et tantôt citoyen des cieux.
(Ibid.)
Il y a de l’esprit dans cette idée ; mais je ne sais si les chagrins et les plaisirs de cette vie nous mettent en effet dans le ciel et dans l’enfer. Cette expression semblerait plus convenable dans la bouche d’un homme passionné, qui exagérerait ses tourments et ses satisfactions. Dieu n’a point fait l’homme dans cette vie pour être tantôt dans la béatitude céleste, et tantôt dans les peines infernales ; et, de plus, Castor et Pollux, en jouissant de l’immortalité, six mois chez Jupiter, et six mois chez Pluton, ne passaient pas de la joie à la douleur, mais seulement d’un hémisphère à l’autre. Il est essentiel qu’une comparaison soit juste : toutefois, malgré ce défaut, cette idée a quelque chose de vif, de neuf et de brillant, qui fait plaisir au lecteur.
Voici la seule comparaison que je trouve après celles-ci dans