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À M***
SUR LE MÉMOIRE DE DESFONTAINES.

Février 1739[1].

Le hasard m’a fait tomber entre les mains un des scandales ridicules de ce siècle : c’est le Mémoire de Guyot-Desfontaines. Je l’ai brûlé, en attendant mieux. Ce serait bien la chose la plus plaisante, si ce n’était la plus révoltante, qu’un Guyot-Desfontaines se plaigne qu’on lui a dit des injures.


Quis tulerit Gracchos de seditione querentes[2] ?


J’admire la modestie de ce bonhomme ; il se compare à Despréaux, parce qu’il a fait un livre en vers[3], et les Seconds Voyages de Gulliver[4], et l’Histoire de Pologne[5], et des Observations sur les écrits modernes[6] ; enfin, parce qu’il a écrit autant que l’abbé Bordelon[7]. Il se dit homme de qualité, parce qu’il a un frère auditeur des comptes à Rouen. Il s’intitule homme de bonnes mœurs, parce qu’il n’a été, dit-il, que peu de jours au Châtelet et à Bicêtre. Il dit qu’il va toujours avec un laquais ; mais il n’articule point si ce laquais hardi est devant ou derrière, et ce n’est pas le cas de prétendre qu’il n’importe guère[8].

  1. J’ai cru cet opuscule plus convenablement placé dans les Mélanges que dans la Correspondance, où il a été jusqu’à ce jour. Le Mémoire de Desfontaines, qui en est l’objet, fut sans doute publié dans le procès commencé à l’occasion de la Voltairomanie, mais qui ne fut pas continué. (B.) — Voyez la note, tome XXII, page 371.
  2. Juvénal, II, 24.
  3. Poésies sacrées : voyez la note 1, tome XXII, page 380.
  4. Le Nouveau Gulliver. Paris, 1730. deux volumes in-12.
  5. Histoire des révolutions de Pologne jusqu’à la mort d’Auguste II, 1735, deux volumes in-12. Desfontaines revit seulement cet ouvrage, qui est des avocats Georgeon et Poullin. (B.)
  6. Voyez la note 2, tome XXII, page 372.
  7. Laurent Bordelon, mort en 1730.
  8. ........Dom Zapata Pascal
    Ou Pascal Zapata, car il n’importe guère
    Que Pascal soit devant ou Pascal soit derrière.
    (Scarron, Dom Japhet d’Arménie, acte II, scène i.)