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DE SAINT LOUIS.

Le soldat est partout inhumain, emporté, barbare. Le saint roi avoue que les siens avaient massacré les musulmans dans la Massoure, sans distinction d’âge ni de sexe. Il n’est pas étonnant que des peuples attaqués dans leurs foyers se soient vengés ; mais, en se vengeant et en se défendant, ils montrèrent qu’ils connaissaient le respect dû au malheur et à la générosité. Ils firent la garde devant la maison de la reine ; le sultan remit au roi la cinquième partie de la rançon qu’il devait payer, action aussi noble que celle du vaincu, qui, s’étant aperçu que les musulmans s’étaient mécomptés à leur désavantage, leur envoya ce qui manquait au prix de sa délivrance.

Plus il y avait de grandeur d’âme parmi ses ennemis, plus s’accroît la gloire de saint Louis : elle fut telle que, parmi les mameluks, il s’en trouva qui conçurent l’idée d’offrir la couronne d’Égypte à leur captif[1].

Jamais la vertu ne reçut un plus bel hommage. Ses ennemis voyaient en lui ce que tous les hommes admirent : la valeur dans les combats, la générosité dans les traités, la constance dans l’adversité. Les vertus mondaines sont admirées des hommes mondains ; mais, pour nous, portons plus haut notre admiration ; voyons, non ce qui étonnait l’Afrique, mais ce qui doit nous sanctifier : voyons-y cette piété héroïque, qui me rappelle à toutes les actions saintes de sa vie, à ce grand objet de mon discours, à celui que vos cœurs se proposent.


TROISIÈME PARTIE.

J’ai loué le grand homme qui a gouverné des nations, qui a conduit de nombreuses armées ; mais les vertus du roi et du capitaine ne peuvent être d’usage que pour ce très-petit nombre d’hommes que Dieu met à la tête des peuples. De quoi nous servira, à nous, une admiration stérile ? Nous voyons de loin ces grandes vertus. Il ne nous est pas donné de les imiter ; mais toutes les vertus du chrétien sont à nous. Si le plus grand prince de son siècle a été saint, qui ne peut aspirer à l’être ? Roi, il est le modèle des rois ; chrétien, il est le modèle de tous les hommes.

  1. C’est un panégyriste, et non un historien qui parle ici ; c’est l’abbé d’Arty, prédicateur, et non Voltaire. L’auteur de l’Essai sur les Mœurs, etc., ne croyait pas à ce que l’on dit du projet des émirs de choisir saint Louis pour leur chef ; voyez, tome XI, page 471.