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PANÉGYRIQUE DE LOUIS XV.

chargé du destin de la France confond en une seule marche tant de projets. Par quel art a-t-il pu faire passer son armée à travers l’armée ennemie ? comment Mastricht est-il tout d’un coup assiégé en leur présence ? par quelle intelligence sublime les a-t-il dispersés ? Mastricht est aux abois ; on tremble dans Nimègue ; les généraux ennemis se reprochent les uns aux autres ce coup fatal, qu’aucun d’eux n’a prévu ; toutes les ressources leur manquent à la fois : il ne leur reste plus qu’à demander cette même paix qu’ils ont tant rejetée. Quelles conditions nous imposerez-vous ? disent-ils. — Les mêmes, répond le roi victorieux, que je vous ai présentées depuis quatre années, et que vous auriez acceptées si vous m’aviez connu. Il en signe les préliminaires : le voile qui couvrait tous les yeux tombe alors, et les plus sages de nos ennemis s’écrient : Le père de la France est donc le père de l’Europe !

Les Anglais surtout, chez qui la raison a toujours quelque chose de supérieur, quand elle est tranquille, rendent comme nous justice à la vertu : eux, qui s’irritèrent si longtemps contre la gloire de Louis XIV, chérissent celle de Louis XV.


Dans tout ce qu’on vient de dire, a-t-on avancé un seul fait que la malignité puisse seulement couvrir du moindre doute ? On s’était proposé un panégyrique, on n’a fait qu’un récit simple. Ô force de la vérité ! les éloges ne peuvent venir que de vous. Et qu’importe encore des éloges ? nous devons des actions de grâces. Quel est le citoyen qui, en voyant cet homme si grand et si simple, ne doive s’écrier du fond de son cœur : Si la frontière de ma province est en sûreté, si la ville où je suis né est tranquille, si ma famille jouit en paix de son patrimoine, si le commerce et tous les arts viennent en foule rendre mes jours plus heureux, c’est à vous, c’est à vos travaux, c’est à votre grand cœur que je le dois !

Il y a toujours des hommes qui contredisent la voix publique. Des politiques ont demandé pourquoi ce vainqueur se contente de la justice qu’il fait rendre à ses alliés, pourquoi il s’en tient à faire le bonheur des hommes : il pouvait d’un mot gagner plusieurs villes. Oui, il le pouvait sans doute ; mais lequel vaut le mieux pour un roi de France, et pour nous, de retenir quelques faibles conquêtes inutiles à sa grandeur, en laissant dans le cœur de ses ennemis des semences éternelles de discorde et de haine, ou bien de se contenter du plus beau royaume de l’Europe, en conquérant des cœurs qui semblaient pour jamais aliénés, en fer-