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PANÉGYRIQUE DE LOUIS XV.

journée des barricades, par l’escalade de ces rochers qui touchent aux nues, par ces fameux passages du Pô.

Un chef actif et prévoyant[1], qui conçoit les plus grands projets et qui discute les plus petits détails ; ce général qui, après avoir sauvé l’armée de Prague par une retraite digne de Xénophon, venait de délivrer la Provence, disputait alors les Alpes aux ennemis, les tenait en alarmes, les avait chassés de Nice, mettait en sûreté nos frontières ; un génie brillant, audacieux[2], dans qui tout respire la grandeur, la hauteur et les grâces ; cet homme qui serait encore distingué dans l’Europe quand même il n’aurait aucune occasion de se signaler, soutenait la liberté de Gênes contre les Autrichiens, les Piémontais et les Anglais. Le roi d’Espagne, inébranlable dans son alliance, joignait à nos troupes ses troupes audacieuses et fidèles, dont la valeur ne s’est jamais démentie. Le royaume de Naples était en sûreté. Louis XV veillait à la fois sur tous ses alliés, et contenait ou accablait tous ses ennemis.

Enfin, par une suite de l’administration secrète qui donne la vie à ce grand corps politique de la France, l’État n’était épuisé ni par les trésors engloutis dans la Bohême et dans la Bavière, ni par les libéralités prodiguées à un empereur que le roi avait protégé[3], ni par ces dépenses immenses qu’exigeaient nos nombreuses armées. L’Autriche et la Savoie, au contraire, ne se soutenaient que par les subsides de l’Angleterre, et l’Angleterre commençait à succomber sous le fardeau : son sang et ses trésors se perdaient pour des intérêts qui n’étaient pas les siens ; la Hollande se ruinait et s’enchaînait par opiniâtreté : des craintes imaginaires lui faisaient éprouver des malheurs réels ; et nous, victorieux et tranquilles, nous regardions de loin, dans le sein de l’abondance, tous les fléaux de la guerre portés loin de nos provinces.

Nous avons payé avec zèle tous les impôts, quelque grands qu’ils fussent, parce que nous avons senti qu’ils étaient nécessaires et établis avec une sage proportion. Aussi (ce qui peut-être n’était jamais arrivé depuis plusieurs siècles) aucun ministre des finances n’a excité le moindre murmure, aucun financier n’a été odieux ; et quand, sur quelques difficultés, le Parlement a fait des remontrances à son maître, on a cru voir un père de famille

  1. Le maréchal de Belle-Isle. Voyez la note, tome X, page 604.
  2. Le duc de Richelieu, nommé lieutenant général en 1744, maréchal de France en 1748.
  3. Charles VII.