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REMARQUES.

Être que l’on admire et qu’on ignore encore ;
Toi dont l’immensité te dérobe à nos yeux,
Tiens le milieu, Voltaire, entre l’homme et les dieux !
Soleil levé sur nous, verse tes influences ;
Fais germer à la fois les arts et les sciences.
Telle on voit chaque année, aux rayons du printemps,
La terre se parer de nouveaux ornements,
Fouler dans les canaux[1] des arbres et des fleurs
La sève qui produit leurs fruits et leurs couleurs.
J’ai vu des ennemis acharnés à te nuire.
Ne pouvant t’égaler, chercher à te détruire ;
Des amis contre toi s’armer de tes bienfaits.
J’ai vu des envieux, jaloux de tes succès,
T’attaquer sourdement, craignant de te combattre ;
J’ai vu leurs vains efforts t’ébranler sans t’abattre ;
Ainsi que le nageur renversé dans les flots
Peut paraître un moment englouti dans les eaux ;
Mais, se rendant bientôt maître de sa surprise,
Il nage et sort vainqueur de l’onde qu’il maîtrise.
Qui peut armer ton cœur de tant de fermeté ?
Et quel fut ton appui dans ton adversité ?
L’amour seul de l’étude. Au fort de cet orage,
Ce fut lui qui sauva ta raison du naufrage ;
C’est lui seul à présent qui t’arrache aux mortels,
Et c’est lui seul à qui tu devras tes autels[2].
Regardez Scipion[3], ce bouclier de Rome,
Cet ami des vertus, lui qui fut trop grand homme
Pour n’être pas en butte à de jaloux complots ;
L’étude en son exil assure son repos.
Si le chagrin parvient à l’âme de ce sage[4],
Du moins au fond du cœur il ne peut pénétrer :
L’étude est à sa porte, et l’empêche d’entrer.
C’est un nom sur le sable[5] ; un vent souffle et l’efface.
Plaisir[6] dans ta fortune, abri dans ta disgrâce,
Conviens-en[7], Scipion, l’étude seule a pu

  1. Il manque ici deux vers. (Note de Voltaire.)
  2. Ne gâtez point ces beaux vers par des autels. (Id.)
  3. Scipion n’est pas amené. Il faudrait auparavant passer imperceptiblement de la carrière des sciences à celle des héros. La distance est grande ; il faut un pont qui joigne les deux rivages. (Id.)
  4. L’âme de ce sage. Ce fait languir, et est dur. Il manque un vers. (Id.)
  5. Il manque là quelque chose. (Id.)
  6. Tout cela est incohérent. Fiat lux. (Id.)
  7. Conviens-en, Scipion. Convenez que cela est trop prosaïque, et que cela gâte ce beau vers, et très-beau :

    Achever ton bonheur qu’ébaucha ta vertu. (Id.)