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ÉLOGE FUNÈBRE DES OFFICIERS

ton amitié ; à peine en ai-je goûté les charmes : non pas de cette amitié vaine qui naît dans les vains plaisirs, qui s’envole avec eux, et dont on a toujours à se plaindre ; mais de cette amitié solide et courageuse, la plus rare des vertus. C’est ta perte qui mit dans mon cœur ce dessein de rendre quelque honneur aux cendres de tant de défenseurs de l’État, pour élever aussi un monument à la tienne. Mon cœur, rempli de toi, a cherché cette consolation, sans prévoir à quel usage ce discours sera destiné, ni comment il sera reçu de la malignité humaine, qui à la vérité épargne d’ordinaire les morts, mais qui quelquefois aussi Insulte à leurs cendres, quand c’est un prétexte de plus de déchirer les vivants,

1er juin 1748.

N. B.[1] Le jeune homme qu’on regrette ici avec tant de raison est M. de Vauvenargues, longtemps capitaine au régiment du roi. Je ne sais si je me trompe, mais je crois qu’on trouvera dans la seconde édition de son livre plus de cent pensées qui caractérisent la plus belle âme, la plus profondément philosophe, la plus dégagée de tout esprit de parti.

Que ceux qui pensent méditent les maximes suivantes :


« La raison nous trompe plus souvent que la nature. »

« Si les passions l’ont plus de fautes que le jugement, c’est par la même raison que ceux qui gouvernent font plus de fautes que les hommes privés. » « Les grandes pensées viennent du cœur. »


(C’est ainsi que, sans le savoir, il se peignait lui-même.)


« La conscience des mourants calomnie leur vie. »

« La fermeté ou la faiblesse à la mort dépend de la dernière maladie. »


(J’oserais conseiller qu’on lût les maximes qui suivent celles-ci, et qui les expliquent.)


« La pensée de la mort nous trompe, car elle nous fait oublier de vivre. »

  1. Dans la première édition, à la suite de Sémiramis, ce N. B. était en note. (B.)