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REMARQUES.
DEUXIÈME ÉPÎTRE.
SUR L’AMOUR DE L’ÉTUDE[1].
à madame la marquise du châtelet.
Oui, de nos passions toute[2] l’activité
Est moins à redouter que n’est[3] l’oisiveté ;
Son calme[4] est plus affreux que ne sont leurs tempêtes ;
Gardons-nous à son joug[4] de soumettre nos têtes.
Fuyons surtout[5] l’ennui, dont la sombre langueur
Est plus[6] insupportable encor que la douleur.
Toi qui détruit[7] l’esprit, en amortit[7] la flamme ;
Toi, la honte à la fois[8] et la rouille de l’âme ;
Toi qui verse[9] en son sein ton assoupissement,
Qui, pour la dévorer, suspend[10] son mouvement,
Étouffe[10] ses pensées et la tient[10] enchaînée :
Ô monstre, en ta fureur semblable à l’araignée[11],
- ↑ Dans une lettre à Helvétius, du 4 décembre 1738, Voltaire dit lui renvoyer son Épître apostillée. Il est à croire que c’est de cette épître qu’il s’agit. Ces remarques ont été publiées pour la première fois en 1814, dans le Magasin encyclopédique, tome VI, pages 273 et suivantes. (B.)
- ↑ Toute, mot qui affaiblit le sens, mot oiseux. (Note de Voltaire.)
- ↑ Que n’est, allongement qui énerve la pensée. Pensée d’ailleurs trop commune, et qui a besoin d’être relevée par l’expression. De plus, que n’est est trop près de que ne sont ; bannissez-les tous deux. (Id.)
- ↑ a et b Son calme, son joug : deux figures incompatibles l’une avec l’autre ; grand défaut dans l’art d’écrire. (Id.)
- ↑ Fuyons surtout l’ennui. Surtout, mot inutile ; idée non moins inutile : car qui ne veut fuir l’ennui ? (Id.)
- ↑ Plus insupportable, trop voisin de moins à redouter. Ces plus et ces moins trop souvent répétés tuent la poésie. (Id.)
- ↑ a et b Toi qui détruit l’esprit, en amortit la flamme.Il faut qui détruis : ce toi qui gouverne la seconde personne. De plus il est superflu de parler de sa flamme amortie quand il est détruit, (Id.)
- ↑ La honte à la fois et la rouille. Ces deux vices de l’âme ne sont point contraires l’un à l’autre. Ainsi à la fois est de trop. On dirait bien que l’ambition est à la fois la gloire et le malheur de l’âme ; ces oppositions sont belles. Mais entre rouille et honte il n’y a point d’opposition. (Id.)
- ↑ Toi qui verse en son sein, ton assoupissement.Il faut verses et non verse. Mais on ne verse point un assoupissement. (Id.)
- ↑ a, b et c Suspends et non suspend, etc. Il ne faut point tant retourner sa pensée. (Id.)
- ↑ On peut peindre l’araignée, mais il ne faut pas la nommer. Rien n’est si beau que de ne pas appeler les choses par leur nom. (Id.)
très-grande réputation. Je vous embrasse, et je serais jaloux de vous si je n’en étais enchanté. » (Note de Voltaire.)