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À L’ACADÉMIE FRANÇAISE.

soit connu de vous. Les Grecs n’écrivirent l’histoire que quatre cents ans après Homère, La langue grecque reçut de ce grand peintre de la nature la supériorité qu’elle prit chez tous les peuples de l’Asie et de l’Europe : c’est Térence qui, chez les Romains,

    8° de l’inversion ; 9° de la quantité dans les syllabes ; et enfin d’une infinité de finesses qui ne sont senties que par ceux qui ont fait une étude approfondie d’une langue.

    La désinence des mots, comme perdre, vaincre, un coin, sucre, reste, crotte, perdu, sourdre, fief, coffre : ces syllabes dures révoltent l’oreille, et c’est le partage de toutes les langues du Nord.

    Les verbes auxiliaires et les participes. Victis hostibus, les ennemis ayant été vaincus : voilà quatre mots pour deux. Lœso et invicto militi ; c’est l’inscription des Invalides de Berlin ; si on va traduire, pour les soldats qui ont été blessés, et qui n’ont pas été vaincus, quelle langueur ! Voilà pourquoi la langue latine est plus propre aux inscriptions que la française.

    Le nombre des rimes. Ouvrez un dictionnaire de rimes italiennes et un de rimes françaises, vous trouvez toujours une fois plus de termes dans l’italien ; et vous remarquerez encore que dans le français il y a toujours vingt rimes burlesques et basses pour deux qui peuvent entrer dans le style noble.

    La longueur et la brièveté des mots. C’est ce qui rend la langue plus ou moins propre à l’expression de certaines maximes, et à la mesure de certains vers.

    On n’a jamais pu rendre en français dans un beau vers :

    Quanto si mostra men, tanto è più bella.

    On n’a jamais pu traduire en beaux vers italiens :


    Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier.
    (Henr., I, 31.)

    C’est un poids bien pesant qu’un nom trop tôt fameux,
    (Henr., III, 41.)

    Les cas plus ou moins variés. Mon père, de mon père, à mon père, meus pater, mei patris, meo patri ; cela est sensible.

    Les articles et pronoms. De ipsius negotio ei loquebatur. Con ello parlava dell’ affare di lui ; il lui parlait de son affaire. Point d’amphibologie dans le latin. Elle est presque inévitable dans le français. On ne sait si son affaire est celle de l’homme qui parle, ou de celui auquel on parle ; le pronom il se retranche en latin, et fait languir l’italien et le français.

    Les élisions.

    Canto l’arme pietose, e il capitano.

    Nous ne pouvons dire :

    Chantons la piété et la vertu heureuse.

    Les inversions. César cultiva tous les arts utiles ; on ne peut tourner cette phrase que de cette seule façon. On peut dire en latin de cent vingt façons différentes :

    Cæsar omnes utiles artes coluit.

    Quelle incroyable différence !

    La quantité dans les syllabes. C’est de là que naît l’harmonie. Les brèves et les longues des Latins forment une vraie musique. Plus une langue approche