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REPRÉSENTATIONS
AUX ÉTATS GÉNÉRAUX DE HOLLANDE[1]
(Septembre 1745)

Hauts et puissants seigneurs, je suis chargé expressément, de la part du roi mon maître, de vous faire ces nouvelles représentations, que je soumets encore, s’il en est temps, à votre sagesse et à votre équité.

J’oserai d’abord vous faire souvenir d’une ancienne république puissante et généreuse, ainsi que la vôtre, à laquelle quelques-uns de ses citoyens présentèrent un projet qui pouvait être utile. La nation demanda si le projet était juste ; on lui avoua qu’il n’était qu’avantageux, et le peuple répondit d’une commune voix qu’il ne voulait pas même le connaître.

On est en droit d’attendre de votre assemblée une telle réponse. La proposition d’éluder la capitulation de Tournai est précisément dans ce cas, à cela près que cette infraction ne serait point utile pour vous, et serait dangereuse pour tout le monde.

Que pourriez-vous gagner en effet en violant des droits sacrés, qui seuls mettent un frein aux sévérités de la guerre ? Vous ôteriez aux victorieux l’heureuse liberté de renvoyer désormais des vaincus sur leur parole. Qui voudra jamais laisser sortir une garnison sous le serment de ne point porter les armes, si ces serments peuvent être violés sous le moindre prétexte ?

Considérez, hauts et puissants seigneurs, quels tristes effets

  1. Cette pièce, composée sur la demande du marquis d’Argenson, ministre des affaires étrangères, a été imprimée par les éditeurs de Kehl sur la minute de la main de Voltaire, et placée à la suite de la lettre du 29 septembre. « Les États-Généraux (disent dans une note les éditeurs de Kehl) avaient résolu d’envoyer au roi d’Angleterre, et contre le prétendant, les mêmes troupes qui, par la capitulation de Tournai et de Dendermonde, avaient fait le serment de ne servir de dix-huit mois, même dans les places les plus éloignées, etc. » (B.) — Voyez tome XV, le Précis du Siècle de Louis XV, chapitre xxiv, Malheurs du prince Édouard.