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COURTE RÉPONSE
AUX LONGS

DISCOURS D’UN DOCTEUR ALLEMAND[1]

(1744)

Je m’étais donné à la philosophie, croyant y trouver le repos que Newton appelle rem prorsus substantiam ; mais je vis que la racine carrée du cube des révolutions des planètes, et les carrés de leurs distances, faisaient encore des ennemis. Je m’aperçois que j’ai encouru l’indignation de quelques docteurs allemands. J’ai osé mesurer toujours la force des corps en mouvement par . J’ai eu l’insolence de douter des monades, de l’harmonie préétablie, et même du grand principe des indiscernables. Malgré le respect sincère que j’ai pour le beau génie de Leibnitz, pouvais-je espérer du repos après avoir voulu ébranler ces fondements de la nature ? On a employé, pour me convaincre, de longs sophismes et de grosses injures, selon la respectable coutume introduite depuis longtemps dans cette science qu’on appelle philosophie, c’est-à-dire amour de la sagesse.

Il est vrai qu’une personne infiniment respectable à tous égards, et qui a beaucoup de sortes d’esprit[2], a daigné en employer une à éclaircir et à orner le système de Leibnitz ; elle s’est amusée à décorer d’un beau portique ce bâtiment vaste et confus. J’ai

  1. Voltaire ayant publié, en 1740, sa Métaphysique de Newton (devenue la première partie des Éléments de la philosophie de Newton), Louis-Martin Kahle, professeur et doyen de la faculté de philosophie à Gottingue (né en 1712, mort en 1775), donna un gros volume allemand : Vergleichung, etc., 1740, in-8o, traduit en français par Gautier de Saint-Blancard, sous ce titre : Examen d’un livre intitulé la Métaphysique de Newton, 1744, in-8o. C’est l’ouvrage de Kahle qui a ; fait naître la Courte Réponse. Voyez aussi, dans la Correspondance, année 1744, une lettre de Voltaire à Martin Kahle. (B).
  2. La marquise du Châtelet.