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DOUTES SUR LA MESURE

ce plan et dérange l’expérience ? N’est-il pas aisé de remédier à ce petit déchet de mouvement que le plan mobile doit éprouver ? On n’a qu’à fixer le ressort à un appui inébranlable, et jeter avec ce ressort la boule sur le plan mobile. L’expérience peut se faire, l’effet ne peut s’en contester ; la question n’est-elle pas décidée de fait[1] ?

19° N’est-il pas encore évident que ces cas, tels que M. Herman les rapporte, et tous les cas possibles où un mobile semble communiquer plus de force qu’il n’en a, sont tous soumis à la distinction du temps et à l’examen des forces du ressort ? Par exemple on dit qu’une boule sous-double, ayant la vitesse deux, communique en un temps une force comme quatre aux deux boules doubles, qu’elle frappe à la fois sous un angle de 60 degrés, puisque chacune des boules doubles recevra 1 de vitesse ; mais il faut observer que dans ce cas les boules B et E n’auront parcouru que la moitié du rayon dans le sens de A B, tandis que le corps A, allant de A en D, aura parcouru le double de ce rayon ; et quant à la vitesse latérale qu’elles acquièrent, elle est produite également dans le cas du choc des corps durs, où tout le monde convient de mesurer la force par le produit de la masse par la vitesse.

20° Ne paraît-il pas encore que, dans le choc des corps à ressort, ce serait se faire illusion de croire que la force motrice soit le produit du carré de la vitesse, sur ce que les carrés de cette vitesse, multipliés par les masses, sont toujours, après le choc, égaux à la masse du corps choquant, multipliée par le carré de sa vitesse ? Cette augmentation de force qu’on trouve après le choc ne vient-elle pas évidemment de la propriété des corps à ressort ? Et n’est-ce pas cette propriété qui fait qu’une boule choquée par le moyen de 20 boules intermédiaires, toutes en raison sous-double, peut acquérir fois plus de force que si elle était choquée par la première boule seulement ? Or il est démontré que dans ce cas ce n’est pas cette première boule qui possédait ce grand excédant de forces ; n’est-il donc pas de la dernière évidence que c’est au ressort qu’il faut attribuer cette prodigieuse augmentation ?

Donc, de quelque côté qu’on se tourne, soit que l’on consulte l’expérience, soit qu’on calcule, on trouve toujours que la valeur des forces motrices est la masse multipliée par la vitesse.

  1. Voyez la première figure de la page 142.