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SUR HERSTALL.

point abandonner absolument à d’autres le soin de savoir ce qui lui appartient.

Son droit est hors de toute contestation ; et quiconque, après la lecture de cet abrégé, lira le mémoire du prince évêque de Liége, verra, par ce mémoire même, combien le roi a raison. Il verra qu’il n’y a pas une seule preuve en faveur de l’Église de Liége : car de quel poids seraient ces anciens contrats d’échange, nuls par eux-mêmes quant au fond et quant à la forme ?

Qu’importe qu’un nommé Cazier ait reconnu depuis l’évêque de Liége pour souverain de Herstall, au nom d’une dame de Mérode, tandis que Herstall appartenait à la maison d’Orange ? Qu’importe que Henri Tulmars ait fait une faute au nom du prince Guillaume-Hyacinthe, qui rendait un hommage vain sur un titre plus vain encore ? Qu’importe que Gaspard de Forelle, à l’ouverture de la succession du roi Guillaume, se soit mal comporté au nom du roi de Prusse, son maître ?

Qu’importent enfin dans cette affaire toutes les clauses étrangères qu’on y mêle ? Une terre libre de l’empire est dévolue par succession à la maison de Prusse, il faut qu’elle en jouisse avec tous ses droits ; et qui ne sait les soutenir n’est pas digne d’en avoir.

Rem suam deserere turpissimum est.

La question de droit étant éclaircie, le fait est soumis au jugement de tous les hommes.

On sait avec quelle modération Sa Majesté en a usé d’abord, et de quels refus indécents elle a été payée. On sait quels outrages on a faits à sa dignité. Recevoir avec mépris le conseiller privé du fils, après avoir maltraité un colonel envoyé du père ; dédaigner de répondre à la lettre d’un roi, y répondre enfin par la poste quand il n’en était plus temps ; fomenter la rébellion des sujets contre leur maître : ce sont des procédés que tout le public a sentis, et dont le manifeste même du prince de Liége n’a pas déguisé l’irrégularité.

Quel roi dans de pareilles circonstances eût moins fait que le roi de Prusse ? et que de souverains eussent fait davantage ! On peut assurer qu’il n’y en a aucun sur la terre à qui il en coûte plus de faire éclater ses ressentiments. Non-seulement il aime la paix avec ses voisins, mais il aime celle de l’Europe. Il voudrait être le lien de la concorde de tous les princes, bien loin d’en opprimer un pour lequel il aura toujours des égards, et dont