Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


PRÉFACE
DE L’ANTI-MACHIAVEL

(1740)

Je crois rendre service aux hommes en publiant l’Essai de critique sur Machiavel[1]. L’illustre auteur de cette réfutation est une de ces grandes âmes que le ciel forme rarement, pour amener le genre humain à la vertu par leurs exemples. Il mit par écrit ses pensées, il y a quelques années, dans le seul dessein d’écrire des vérités que son cœur lui dictait. Il était encore très-jeune ; il voulait seulement se former à la sagesse, à la vertu. Il comptait ne donner des leçons qu’à soi-même ; mais ces leçons qu’il s’est données méritent d’être celles de tous les rois, et peuvent être la source du bonheur des hommes. Il me fit l’honneur de m’envoyer son manuscrit ; je crus qu’il était de mon devoir de lui demander la permission de le publier. Le poison de Machiavel est trop public, il fallait que l’antidote le fût aussi. On s’arrachait à l’envi les copies manuscrites ; il en courait déjà de très-fautives, et l’ouvrage allait paraître défiguré, si je n’avais eu le soin de fournir cette

  1. Frédéric II, n’étant encore que prince royal, composa un Anti-Machiavel (voyez la lettre de Voltaire du 1er septembre 1738), dont il envoya les douze premiers chapitres retouchés le 4 décembre 1739. Voltaire, chargé de l’impression, fit passer une première copie à Vanduren, qui l’imprima. Mais, mécontent de cette édition, Voltaire la désavoua, et en fit faire une autre ; c’est celle en petits caractères, qui porte au bas du titre ces mots : « À La Haye, aux dépends de l’éditeur, MDCCXL. » L’édition désavouée et l’édition avouée contiennent toutes les deux la Préface composée par Voltaire, qui avait fait des suppressions au chapitre XXI, et qui « avait jeté quelques poignées de mortier dans un ou deux endroits ». Voltaire (dans son Examen du testament du cardinal Alberoni, voyez, ci-après, année 1753), dit avoir déposé à l’hôtel de ville de la Haye l’original de l’Anti-Machiavel, sur lequel il y aurait beaucoup de choses à dire ; mais, pour ne pas faire sur la Préface de Voltaire une note plus longue que cette Préface elle-même, je me contente de renvoyer aux années 1739 et 1740 de la Correspondance de Voltaire. (B.)