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DES INSTITUTIONS PHYSIQUES.

pourquoi la moitié du monde qui est à notre gauche n’est pas à notre droite. Leibnitz voulait-il donner une raison suffisante de tout ce que Dieu a fait ? C’est beaucoup pour un homme.

La raison principale qui engagea Wallis, Newton, Clarke, Locke, et presque tous les grands philosophes, à admettre l’espace pur, est l’impossibilité géométrique et physique qu’il y ait du mouvement dans le plein absolu. Leibnitz, qui avait, comme on a dit, changé d’avis sur le vide, a toujours été obligé de dire que, dans le plein, le mouvement circulaire peut avoir lieu à cause d’une matière très-fine qui peut y circuler.

Si on voulait bien songer qu’une matière très-fine, infiniment pressée, devient une masse infiniment dure, on trouverait ce mouvement circulaire un peu difficile.

Newton d’ailleurs a démontré que les mouvements célestes ne peuvent s’opérer dans un fluide quelconque, et personne n’a jamais pu éluder cette démonstration, quelques efforts qu’on ait faits. Cette difficulté rend l’idée d’un plein absolu plus difficile qu’on n’aurait cru d’abord.

La question du temps est aussi épineuse que celle de l’espace, et est traitée avec la même profondeur. On y explique le sentiment que Leibnitz a embrassé. Il pensait que, comme l’espace n’existe point, selon lui, sans corps, le temps ne subsiste point sans succession d’idées.

Il faut remarquer que, dans ce chapitre, le temps est pris pour la durée même ; et cela ne peut y causer de confusion, parce qu’en effet le temps est une partie de la durée.

Il s’agit donc de savoir si la durée existe indépendamment des êtres créés ; et, si elle existe ainsi, l’illustre auteur remarque très-bien qu’on est obligé de dire que la durée est un attribut nécessaire. De là aussi Newton croyait que l’espace et la durée appartiennent à Dieu, qui est présent partout et toujours.

L’illustre auteur reproche à Clarke, disciple de Newton, d’avoir demandé à Leibnitz pourquoi Dieu n’avait pas créé le monde six mille ans plus tôt ; et elle ajoute que Leibnitz n’eut pas de peine à renverser cette objection du docteur anglais. C’est au quinzième article de sa quatrième réplique à Leibnitz que le docteur Clarke dit formellement : Il n’était pas impossible que Dieu créât le monde plus tôt ou plus tard ; et Leibnitz fut si embarrassé à répondre que, dans son cinquième écrit, il avoue en un endroit que la chose est possible, et donne même pour le prouver une figure géométrique qui me paraît fort étrangère à cette dispute ; et dans un autre endroit il nie que la chose soit