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FRAGMENT
D’UNE LETTRE
SUR
UN USAGE TRÈS-UTILE ÉTABLI EN HOLLANDE,
(1739[1])

Il serait à souhaiter que ceux qui sont à la tête des nations imitassent les artisans. Dès qu’on sait à Londres qu’on fait une nouvelle étoffe en France, on la contrefait. Pourquoi un homme d’État ne s’empressera-t-il pas d’établir dans son pays une loi utile qui viendra d’ailleurs ? Nous sommes parvenus à faire la même porcelaine qu’à la Chine ; parvenons à faire le bien qu’on fait chez nos voisins, et que nos voisins profitent de ce que nous avons d’excellent.

Il y a tel particulier qui fait croître dans son jardin des fruits que la nature n’avait destinés qu’à mûrir sous la ligne : nous avons à nos portes mille lois, mille coutumes sages ; voilà les fruits qu’il faut faire naître chez soi, voilà les arbres qu’il faut y transplanter : ceux-là viennent en tous climats, et se plaisent dans tous les terrains.

La meilleure loi, le plus excellent usage, le plus utile que j’aie jamais vu, c’est en Hollande. Quand deux hommes veulent plaider l’un contre l’autre, ils sont obligés d’aller d’abord au tribunal des conciliateurs, appelés faiseurs de paix. Si les parties arrivent avec un avocat et un procureur, on fait d’abord retirer ces derniers, comme on ôte le bois d’un feu qu’on veut éteindre. Les faiseurs de

  1. Ce morceau, qui jusqu’à présent était daté de 1742, et même de 1745, fait partie du volume intitulé Recueil de pièces fugitives en prose et en vers, par M. de V***, in-8° portant le millésime MDCCXL, mais condamné par arrêt du conseil, du 4 décembre 1739. (B.)