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SOMMAIRES DES PIÈCES DE MOLIÈRE.

public n’a point regretté que l’auteur ait négligé de finir cet ouvrage : il est dans un genre qui n’était point celui de Molière. Quelque peine qu’il y eût prise, les plus grands efforts d’un homme d’esprit ne remplacent jamais le génie[1].


LE SICILIEN, OU L’AMOUR PEINTRE,


Comédie en prose et en un acte, représentée à Saint-Germain-en-Laye en 1667,
et sur le théâtre du Palais-Royal le 10 juin de la même année.


C’est la seule petite pièce en un acte où il y ait de la grâce et de la galanterie. Les autres petites pièces que Molière ne donnait que comme des farces ont d’ordinaire un fond plus bouffon et moins agréable.


AMPHITRYON,


Comédie en vers et en trois actes, représentée sur le théâtre du Palais-Royal,
le 13 janvier 1668.


Euripide et Archippus avaient traité ce sujet de tragi-comédie chez les Grecs ; c’est une des pièces de Plaute qui a eu le plus de succès : on la jouait encore à Rome cinq cents ans après lui, et, ce qui peut paraître singulier, c’est qu’on la jouait toujours dans des fêtes consacrées à Jupiter. Il n’y a que ceux qui ne savent point combien les hommes agissent peu conséquemment qui puissent être surpris qu’on se moquât publiquement au théâtre des mêmes dieux qu’on adorait dans les temples.

Molière a tout pris de Plaute, hors les scènes de Sosie et de Cléanthis. Ceux qui ont dit qu’il a imité son prologue de Lucien ne savent pas la différence qui est entre une imitation et la ressemblance très-éloignée de l’excellent dialogue de la Nuit et de Mercure, dans Molière, avec le petit dialogue de Mercure et d’Apollon, dans Lucien : il n’y a pas une plaisanterie, pas un seul mot que Molière doive à cet auteur grec. Tous les lecteurs exempts de préjugés savent combien l’Amphitryon français est au-dessus de l’Amphitryon latin. On ne peut pas dire des plaisanteries de Molière ce qu’Horace dit de celles de Plaute :

Vestri proavi plautinos et numeros et
Laudavere sales, nimium patienter utrumque[2].

  1. Dans les premières éditions le quelque peine qu’il y eût prise termine la phrase précédente. — Voltaire ne conteste à Molière que le génie, l’aptitude spéciale, qui lui aurait pu faire mener à bien Mélicerte.
  2. Art poétique, 270-71.