n’allait pas plus loin. Il eût été de la bienséance et de l’honnêteté publique de supprimer la satire de Boursault et celle de Molière. Il est honteux que les hommes de génie et de talent s’exposent par cette petite guerre à être la risée des sots. Il n’est permis de s’adresser aux personnes que quand ce sont des hommes publiquement déshonorés, comme Rolet et Wasp[1]. Molière sentit d’ailleurs la faiblesse de cette petite comédie, et ne la fit point imprimer.
DE L’ÎLE ENCHANTÉE,
aux reines.
Les fêtes que Louis XIV donna dans sa jeunesse méritent d’entrer dans l’histoire de ce monarque, non-seulement par les magnificences singulières, mais encore par le bonheur qu’il eut d’avoir des hommes célèbres en tous genres, qui contribuaient en même temps à ses plaisirs, à la politesse et à la gloire de la nation. Ce fut à cette fête, connue sous le nom de l’Île enchantée, que Molière fit jouer la Princesse d’Élide, comédie-ballet en cinq actes. Il n’y a que le premier acte et la première scène du second qui soient en vers : Molière, pressé par le temps, écrivit le reste en prose. Cette pièce réussit beaucoup dans une cour qui ne respirait que la joie, et qui, au milieu de tant de plaisirs, ne pouvait critiquer avec sévérité un ouvrage fait à la hâte pour embellir la fête.
On a depuis représenté la Princesse d’Élide à Paris ; mais elle ne put avoir le même succès, dépouillée de tous ses ornements et des circonstances heureuses qui l’avaient soutenue. On joua la même année[3] la comédie de la Mère coquette, du célèbre Quinault : c’était presque la seule bonne comédie qu’on eût vue en France, hors les pièces de Molière, et elle dut lui donner de l’émulation. Rarement les ouvrages faits pour des fêtes réussissent-ils au théâtre de Paris. Ceux à qui la fête est donnée sont toujours indulgents ; mais le public libre est toujours sévère. Le genre sérieux et galant n’était pas le génie de Molière ; et cette espèce de poëme, n’ayant ni le plaisant de la comédie ni les grandes passions de la tragédie, tombe presque toujours dans l’insipidité.