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AVERTISSEMENT DE BEUCHOT.

Si Palissot, homme de goût et d’esprit, et pourtant mauvais éditeur de Voltaire, eût fait ces réflexions, il n’aurait pas accablé de reproches les éditeurs de Kehl : reproches injustes, puisque leur position était celle de leurs prédécesseurs, et qu’ils n’étaient pas les premiers qui eussent dispersé ces Lettres ; reproches ridicules dans la bouche de Palissot, qui, en se vantant de les rétablir telles que l’auteur les avait composées, dans toute la force de son génie, et dans l’ordre qu’il leur avait donné[1], n’a fait que copier des éditions qui avaient précédé celle de Kehl, et a donné ainsi, sous le titre de Lettres philosophiques, beaucoup de morceaux hétérogènes[2].

Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de motiver longuement le rétablissement des Lettres philosophiques en corps d’ouvrage. Il n’est pas un lecteur de la correspondance de Voltaire qui ne soit bien aise de voir en quoi consistaient ces Lettres anglaises, dont Voltaire parle si souvent, dont il est question dans presque tous les ouvrages du temps, et qui ont causé tant de chagrin à leur auteur. Ces Lettres sont un des ouvrages qui ont eu le plus d’influence sur l’esprit humain dans le xviiie siècle. En les trouvant dispersées, il est naturel de croire que Voltaire n’aurait que suivi l’impulsion du siècle ; leur réunion prouve qu’il l’a donnée.

Lorsqu’en 1818 je reproduisis, le premier, les Lettres philosophiques, je me conformai au texte de l’édition de 1734, et je donnai en variantes les additions ou corrections faites depuis par l’auteur. En donnant aujourd’hui dans le texte la dernière version de l’auteur, j’ai mis en variante la première. Ne pas donner de façon ou d’autre le texte de 1734 serait ne faire les choses qu’à demi, puisqu’un des motifs du rétablissement des Lettres philosophiques est de mettre le lecteur en état de voir ce qu’elles étaient lors de leur condamnation.

J’ai déjà dit que je ne donnais ici que les vingt-quatre Lettres sur les Anglais. J’ai parlé de trois autres. On a vu (page 27) les Remarques sur les Pensées de Pascal, qui forment la XXV lettre ; et (page 71) la Lettre sur l’Incendie d’Altena. La Lettre sur l’Âme, imprimée en 1738, forme, depuis les éditions de Kehl, une section de l’article Âme dans le Dictionnaire philosophique. (Voyez tome XVII, pages 149-154.)

Les Lettres philosophiques, condamnées par le parlement de Paris en 1734, ne l’ont été à Rome que le 4 juillet 1752. Dans une note au bas de la première lettre, j’ai parlé de la Lettre d’un quaker, etc. On attribue à l’abbé Molinier les Lettres servant de réponse aux Lettres philosophiques de M. de V***, in-12 de quatre-vingt-deux pages, sans nom d’auteur ni d’imprimeur, réimprimées sous le titre de Réponse aux Lettres de M. de Voltaire, La Haye, 1735, petit in-8o de soixante-dix-huit pages, plus le titre. On trouve dans la Bibliothèque française, tome XXII, page 38, une Lettre de M. de B*** (Bonneval) sur la critique de Molinier. La Réponse, ou Cri-

  1. Les mots en italique sont ceux qu’emploie Palissot dans sa préface du tome XXIX de son édition des Œuvres de Voltaire.
  2. Ainsi, quoique tout au plus vingt-sept pièces aient été, comme on l’a vu, produites sous le titre de Lettres philosophiques, Palissot donne sous cette dénomination trente-neuf morceaux.